Des informations relatives à des sanctions prononcées contre deux banques burkinabè pour « financement du terrorisme » ont largement circulé sur les réseaux sociaux, la semaine dernière. La Banque commerciale du Burkina (BCB) et Wendkuni Bank International (WBI) ont été particulièrement indexées, amenant leur corporation et le ministère en charge des finances à apporter un démenti.
Les informations faisant état de ce que deux établissements bancaires burkinabè ont été sanctionnés par la Commission Bancaire de l’UEMOA pour « financement du terrorisme et blanchiment de capitaux » ont fait grand bruit. Les auteurs des publications ont nommément désigné la Banque commerciale du Burkina (BCB) et Wendkuni Bank International (WBI) de l’homme d’affaires Apollinaire Compaoré, à la surprise générale de leurs clients. Certains d’entre eux ont poussé l’outrecuidance, allant jusqu’à appeler les citoyens à intenter des actions en justice contre les deux banques « incriminées » ou à vandaliser leurs locaux sur le territoire national. Ces graves accusations et les appels au boycott ont obligé l’Association professionnelle des Banques et Etablissements Financiers du Burkina Faso (APBEF-B) à apporter un démenti formel et des précisions, dans un communiqué daté du 5 octobre 2022. Cette structure a indiqué que les banques ouest-africaines font régulièrement l’objet de contrôles sur leur dispositif de Lutte contre le blanchiment de capitaux et le Financement de terrorisme (LBC-FT). C’est dans ce cadre, a expliqué l’APBEF-B, que des contrôles ont été récemment opérés dans les établissements de l’UEMOA.
Le démenti des banquiers et du ministère des Finances
« Lesdits contrôles ont relevé quelques insuffisances au niveau du dispositif interne de LBC/FT de plusieurs banques qui ont engendré des sanctions disciplinaires et pécuniaires pour des manquements dans leurs dispositifs internes, au regard des dispositions prévues par la loi uniforme 016-2016/AN du 03 mai 2016 portant règlementation en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme », a mentionné l’APBEF-B dans son communiqué. Aussi a-t-elle précisé : « Il ne s’agit nullement d’un cas de financement du terrorisme ou de blanchiment de capitaux par les établissements sanctionnés, mais plutôt de faiblesses relevées sur le dispositif interne de LBC/FT. Certains établissements ont été sanctionnés en mars, juin et août 2022. Deux banques du Burkina Faso ont été sanctionnées en septembre 2022 ». Tout comme la BCEAO dans son communiqué relatif aux sanctions, l’APBEF-B n’a pas révélé les noms des deux établissements bancaires sanctionnés.
Où est-ce que les auteurs des publications sur les réseaux sociaux ont trouvé les supposés noms de ces banques ? Mystère et boule de gomme. Dirigée par Diakarya Ouattara, l’APBEF-B a invité les auteurs des publications « à toujours se rapprocher» d’elle pour une meilleure compréhension des sujets, avant tout écrit de nature à compromettre ou jeter du discrédit sur le système bancaire national et sous régional. A la suite de cette association, le Secrétaire général (SG) du ministère de l’Economie, des Finances et de la Prospective, Nicolas Kobiane, est monté au créneau pour démentir les informations distillées sur les réseaux sociaux, dans un communiqué signé le 6 octobre 2022. « Les vérifications ayant conduit aux sanctions n’ont révélé aucune opération de financement du terrorisme ou de blanchiment de capitaux. Ces vérifications ont simplement établi des insuffisances dans la gestion du dispositif interne exigé des assujettis en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme dans l’espace UMOA », a-t-il soutenu.
Une source au sein de l’APBEF-B se confie
Au sein des deux banques présentées comme fautives, une certaine omerta règne. Il est difficile de confirmer ou d’infirmer leur présence sur la liste des banques sanctionnées par la BCEAO. Une source au sein de l’APBEF-B, la faîtière nationale des banques et établissements financiers a bien voulu évoquer le sujet. « Il n’a été décelé dans aucune de ces banques une opération ou virement ou transfert en lien avec le blanchiment ou des terroristes», a-t-elle rapporté. Selon elle, tous les écrits qui utilisent l’expression « sanctions pour financement du terrorisme » sont totalement inexacts. « Il s’agit uniquement de sanctions portant sur les dispositions de la LBC/FT et non d’un cas de flagrant délit comme certains pourraient le laisser croire », a rapporté cette source. Aussi a-t-elle fait remarquer que ce n’est pas la première fois que des sanctions sont prises contre des banques concernant la gestion du dispositif de la LBC/FT. Ancien banquier et expert en finance internationale, Talata B. Sibidou, a été formel : « aucune banque au Burkina Faso n’a financé le terrorisme ou n’a favorisé le financement du terrorisme… Et si cette histoire devait être vraie, on n’allait pas s’arrêter à des sanctions purement disciplinaires», a-t-il tranché. L’expert en appelle au sens élevé de la responsabilité dans le traitement des informations financières pour une simple et bonne raison. « Le pays est ciblé au niveau du Groupe d’action financière (GAFI). Depuis un certain temps, il est inscrit sur la liste grise. Si nous nous amusons, on va nous mettre sur la liste noire et ça sera la catastrophe », a-t-il prévenu.
Correspondance particulière