La chambre d’appel de la CPI a confirmé l’acquittement de l’ex-président et celui de son ancien ministre, prononcés en première instance le 15 janvier 2019.
La Cour pénal internationale (CPI) a donc confirmé ce mercredi 31 mars l’acquittement prononcé en 2019 de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo et de son ancien ministre, Charles Blé Goudé, ex-chef du mouvement des Jeunes Patriotes, reconnu non coupable de crimes contre l’humanité. «À la majorité, la chambre d’appel rejette […] l’appel du procureur et confirme la décision de la chambre de première instance».
Accusés de quatre chefs de crimes contre l’humanité – meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains –, les deux hommes ont toujours clamé leur innocence, pour ces faits qui auraient été commis entre 2010 et 2011 au cours des violences post-électorales en Côte d’Ivoire, violences nées du refus de Laurent Gbagbo de reconnaître la victoire à la présidentielle de son rival Alassane Ouattara. Bilan : 3 000 morts.
Et pourtant tout aura été tenté du côté de la CPI. La procureure générale sortante de la Cour, Fatou Bensouda, avait interjeté appel en septembre 2019, huit mois après l’acquittement, souhaitant un nouveau procès. Pour la cheffe de la CPI, les juges avaient acquitté les deux hommes «sans formuler correctement et sans appliquer de manière cohérente une norme de preuve clairement définie ». « L’appel démontrera que la chambre de première instance a commis des erreurs de droit et de procédure qui a abouti à l’acquittement de M. Gbagbo et de M. Blé Goudé pour tous les chefs d’accusation », avait-elle promis. Le procès de l’ancien président ivoirien et de l’ex-leader des Jeunes Patriotes Charles Blé Goudé avait démarré en force en janvier 2016 avec de nombreux témoignages, la présentation de plusieurs documents et preuves, etc.
2019, le procès bascule en faveur des accusés
Après des années de procédures – les juges avaient notamment estimé que les preuves à charge étaient insuffisantes. «La procureure n’a pas étayé l’allégation d’existence d’une politique ayant pour but d’attaquer une population civile sur la base de modes opératoires récurrents auxquels auraient répondu les violences et d’autres éléments de preuve indirects cités à l’appui de cette allégation». Fatou Bensouda n’aurait pas non plus «démontré que les crimes, tels que ceux allégués dans les charges, ont été commis en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation ayant pour but d’attaquer la population civile». Et, enfin, selon la chambre, la procureure n’a pas «démontré que les discours prononcés en public par Laurent Gbagbo ou Charles Blé Goudé étaient constitutifs du fait d’ordonner, de solliciter ou d’encourager la commission des crimes allégués, ni que l’un ou l’autre des accusés a ccontribué en connaissance de cause ou intentionnellement à la commission de tels crimes», avait fini par conclure le juge-président Cuno Tarfusser. Depuis, la CPI a refusé une demande de liberté sans condition à Laurent Gbagbo, mais elle l’a autorisé à quitter la Belgique si le pays où il souhaite se rendre accepte de le recevoir. Quant à Charles Blé Goudé, il a continué à résider aux Pays-Bas.
Retour au pays : quand ? Comment ?
En tout cas, cette décision ouvre donc la voie au retour de l’ancien président ivoirien dans son pays. En possession, selon son avocate, de deux passeports, un ordinaire et un diplomatique, il espérait rentrer en Côte d’Ivoire en décembre. Mais, plusieurs fois, son retour a été remis à plus tard et, jusqu’ici, les autorités ivoiriennes ne se sont pas prononcées sur le calendrier de ce retour. Surtout, que l’ex dirigeant ivoirien a été lourdement condamné à 20 ans de prison et 329 milliards FCFA d’amendes (soit 502 millions d’euros) pour le « braquage » de l’Agence nationale de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pendant la crise post-électorale ivoirienne.
La Côte d’Ivoire toujours impactée
L’arrêt de la CPI devrait être suivi de près en Côte d’Ivoire où l’ombre de Laurent Gbagbo plane toujours sur une nation meurtrie par les violences politiques depuis plus de vingt ans, dont celles liées à la dernière présidentielle d’octobre 2020 remportée par Alassane Ouattara qui se représentait pour un troisième mandat controversé. Durant cette présidentielle près de 100 personnes ont perdu la vie. Président de 2000 à 2010, Laurent Gbagbo, toujours très populaire chez ses partisans, avait été arrêté en 2011.
Source : Le Point