Les heurts, qui ont éclaté après l’annonce des résultats de la présidentielle, contestés par l’opposition, ont fait deux morts et plus de 450 personnes ont été interpellées.
Deux personnes ont trouvé la mort dans les affrontements qui ont suivi la proclamation des résultats de la présidentielle au Niger, a indiqué le ministre de l’Intérieur Alkache Alhada le 25 février 2021. Les événements de ces dernières heures inquiètent d’autant plus que le Niger semblait bien parti pour vivre une transition politique apaisée. En effet, le président sortant Mahamadou Issoufou ne s’était pas représenté à l’issue de ses deux mandats prévus par la Constitution, contrairement à nombre de ses pairs sur le continent.
La Commission électorale nationale indépendante (Céni) a annoncé le 23 février la victoire avec 55,7% des voix du candidat du pouvoir Mohamed Bazoum, successeur désigné du président sortant. Son adversaire, l’ancien président nigérien Mahamane Ousmane, qui consteste les résultats, s’est déclaré vainqueur avec 50,3% des suffrages exprimés. Dénonçant des « fraudes », il a déclaré rejeter « en bloc les résultats partout où des irrégularités ont été constatées ».
La journée du 24 février a été marquée par des troubles dans plusieurs endroits du pays, notamment dans la capitale Niamey. Le domicile du correspondant de Radio France International (RFI), Moussa Kaka, a été quant à lui en partie incendié le lendemain.
Des tensions post-électorales inédites depuis 1996
C’est une situation « inédite », confie un observateur de la vie politique nigérienne à franceinfo Afrique sous couvert de l’anonymat. Il note au passage que c’est la première fois que le pays subit une coupure d’Internet à la suite de tensions politiques. Le Niger, souligne-t-il, n’a pas connu de crise post-électorale de cette ampleur depuis 1996. Arrivé au pouvoir en janvier de cette année-là, après avoir déposé le premier président élu démocratiquement en 1993 – Mahamane Ousmane de nouveau engagé dans la course présidentielle de 2021 –, Ibrahim Baré Maïnassara se déclare vainqueur d’un scrutin présidentiel dont la transparence pose question. La contestation des résultats de cette élection plonge le pays dans une crise politique qui connaîtra un épilogue violent trois ans plus tard. A savoir le coup d’Etat de 1999 durant lequel Ibrahim Baré Maïnassara est assassiné.
Depuis le 23 février, les autorités nigériennes ont procédé à 468 arrestations. Parmi les personnes interpellées, l’ancien chef d’état-major des armées Moumouni Boureima, accusé d’être « un meneur », selon l’AFP. Le procureur de la République Maman Sayabou Issa affirmait également dans la soirée du 24 février que des personnes étaient recherchées. Les forces de l’ordre seraient sur les traces de l’ancien Premier ministre et farouche opposant au régime actuel, Hama Amadou, qui n’a pas pu être candidat à la présidentielle pour une condamnation en 2017 qu’il a qualifiée de « politique ». Et qui serait, selon le ministère nigérien de l’Intérieur, le principal « responsable » des troubles.
« La situation sécuritaire dans l’ensemble du Niger reste fluide dans cette période post-électorale, avec la possibilité de troubles et/ou d’affrontements intercommunautaires dans le pays. Il pourrait y avoir une hausse (…) de la présence policière et des problèmes de circulation sur les routes principales », indiquait une alerte de l’ambassade des Etats-Unis au Niger adressée aux ressortissants américains publiée le 23 février..
L’espoir contrarié d’une transition politique apaisée
La transition politique au Niger est désormais marquée par l’incertitude, alors qu’elle s’annonçait sous les meilleurs auspices. Le président Issouffou se réjouissait encore lors du scrutin du 21 février d’être « le premier président démocratiquement élu de (l’histoire du Niger) à pouvoir passer la main à un autre président démocratiquement élu ». « La transition est en cours, affirmait-il. La passation pacifique qui a fait défaut au Niger depuis des décennies va avoir lieu. C’est un événement majeur dans la vie politique de notre pays. »
Depuis son indépendance en 1960, le Niger n’a jamais connu une transition entre deux présidents démocratiquement élus. Au contraire, le pays a déjà quatre coups d’Etat à son actif. « Passer le pouvoir en 2021 à un successeur démocratiquement élu (…) sera ma plus belle réalisation », déclarait, il y a quelques mois, le président Issouffou, rapporte l’AFP. Le projet de Mahamadou Issoufou semble pour l’heure avoir du plomb dans l’aile.
Le spectre d’une double crise politique et sécuritaire
« Le Niger est confronté à une crise sécuritaire inédite. Trois frontières : nord-ouest avec le Mali, sud-est avec Boko Haram et la Libye au nord. Le Niger n’a pas besoin d’ajouter une crise sécuritaire à une crise politique », estime cet observateur de la vie politique. Ces dernières années, le pays a fait l’objet de plusieurs attaques terroristes dont certaines sont les plus meurtrières de son histoire. Récemment encore, lors du deuxième tour de la présidentielle, sept membres de la commission électorale ont trouvé la mort dans l’explosion de leur véhicule sur une mine dans l’ouest du pays.
FG/ FranceTv