Le Président de l’ATR/DI Issaka SOURWEMA Dawelg Naaba Boalga

Le 02 septembre 2020, notre association, l’Association pour la tolérance religieuse et le dialogue interreligieux (ATR/DI) invitait, à travers une déclaration, relayée par les médias traditionnels, les médias sociaux et les réseaux sociaux, l’ensemble de la communauté nationale et spécifiquement nos frères et sœurs musulmans à faire effectivement leurs les vertus de dialogue et de tolérance que nous avons hérités de nos aïeux dans la gestion et la résolution de la crise qui secouait la Communauté musulmane du Burkina Faso (CMBF).

Grâce aux efforts des uns et des autres et particulièrement à ceux du Médiateur du Faso d’une part, dont il faut apprécier positivement la démarche et le contenu des propos, et d’autre part aux efforts des protagonistes qui ont fait preuve de grandeur d’âme rarement égalée, la paix est de retour depuis le 11 septembre 2020 au sein de la plus vieille composante de la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB).

Dans la même lancée, nous apprenions avec joie que le 12 septembre 2020 la royauté gan de Loropéni dans la province du Poni (Sud-ouest) et l’Église protestante de cette localité se sont réconciliées et ont matérialisé cela par la pose de la première pierre des églises protestantes détruites lors des violences qui ont opposé les deux camps. En rappel, les relations entre les deux (02) parties ont connu un épisode conflictuel violent les 17 et 18 avril qui s’est soldé par la destruction d’églises protestantes. A l’origine de ces évènements déplorables, l’exhumation, par la famille royale, du corps d’une femme qui, de son vivant, s’était convertie au protestantisme et a donc été inhumée selon les préceptes protestants. Issue de la lignée royale, sa famille a estimé qu’elle devait être enterrée selon le rite coutumier. Il en a résulté l’arrestation du roi et de ses proches pour profanation de tombe et violation de sépulture, ce qui a contribué au déchaînement de la violence. L’accalmie est revenue dans la localité avec la mise en liberté du roi et des siens.

Bravo donc à tous les acteurs qui y ont apporté leur quote-part ! Une société de paix n’est pas une société sans conflits mais une société dans laquelle les acteurs sociaux, sur la base des vertus cardinales collectives et/ou des règles de droit, se donnent pour objectif stratégique non d’attiser les conflits mais de les résoudre en se donnant les moyens pour y parvenir. C’est pourquoi toutes les personnes physiques ou morales qui ont travaillé à cette médiation méritent des diadèmes.

A peine les crises au sein de la CMBF et à Loropéni désamorcées que survient celle de Pazanni

Malheureusement, pendant que la médiation concernant ces deux (02) crises était en cours et qu’on se réjouissait déjà de la disponibilité des protagonistes à trouver une solution, survenait le 07 septembre 2020 la destruction, sur décision judiciaire, d’une mosquée et d’une école franco-arabe à Pazanni au secteur 37 de l’arrondissement 9 de Ouagadougou. Cette destruction, conduite par un huissier accompagné d’agents de la force publique, est le regrettable aboutissement d’un litige foncier entre deux (02) citoyens. Il a cependant très vite pris des contours religieux au regard de la qualité des infrastructures détruites. Il s’en est suivi via les différents médias et les réseaux sociaux, qui pour condamner, qui pour déplorer, qui pour demander des explications et qui pour apporter des éclaircissements.

Cela dit, il ressort que le dénominateur commun des événements malheureux de Loropéni et de Pazanni est l’implication de l’institution judiciaire. Toutefois, il serait inconvenant de jeter l’anathème sur cette institution sans laquelle on ne peut parler d’État de droit, encore moins d’Etat de droit démocratique et libéral. En fait, les juges ne font que dire le droit et veiller à son application ; ce sont les législateurs, en l’occurrence les députés, qui en sont les producteurs. Cette précision apportée, il importe tout de même de se demander, comme du reste L’Observateur Paalga l’a déjà fait dans sa livraison du vendredi 25 octobre dernier, comment faire pour que la justice qui, en principe, constitue une voie pour départager les parties en conflit en toute indépendance, dans le sens de l’intérêt général et avec le souci de rendre la société paisible, ne devienne pas, malgré elle et indépendamment même de la volonté de ses acteurs, le problème. L’interrogation est d’autant plus pertinente que ce qui est juridiquement fondé peut ne pas être socialement opportun. Cela est davantage vrai dans une société où la plupart des justiciables baignent dans une ignorance totale ou dans une méconnaissance réelle des mécanismes de fonctionnement de la justice dite moderne ; lesquels mécanismes sont fondamentalement différents de ceux de la justice traditionnelle auxquels nombre de citoyens ont jusqu’à présent recours.

Œuvrer à atteindre l’objet commun : la réalisation de la nation burkinabè

C’est un réel défi pour notre pays (comme pour bien d’autres qui ont en commun l’héritage de la colonisation) qui ne relève pas des seules compétences de l’institution judiciaire mais plutôt de la responsabilité de l’ensemble de la collectivité avec le gouvernement comme force d’impulsion.

Par la présente déclaration, l’Association pour la tolérance religieuse et le dialogue interreligieux (ATR/DI), tout en se félicitant des conflits déjà résolus et de la production de politiques y relatives par l’État comme témoigne la Stratégie nationale de cohésion sociale en cours d’élaboration, voudrait, au regard des multiples défis qui se posent au Burkina Faso de nos jours, demander à toutes les institutions de la République d’accomplir leurs missions en intégrant les paramètres de la conjoncture actuelle que traverse le pays, solliciter auprès des organisations de la société civile le renforcement de leur contribution dans l’édification d’un Etat de droit et d’une société de droit compris par tous, suggérer aux citoyens de s’informer le plus possible sur les situations potentiellement conflictuelles (qu’ils en soient des protagonistes ou non) et de privilégier l’approche pacifique de la résolution des conflits. C’est pourquoi, elle en appelle, encore une fois, à l’esprit de tolérance, de modération et de pondération qui est un trait de la personnalité culturelle des Burkinabè, reconnu même par les non-Burkinabè. C’est une des conditions sine qua non d’une bonne vie en société, d’une socialisation réussie des jeunes générations et de l’édification de l’État-nation.

Pour le bureau national, le président

Issaka SOURWEMA,

Dawelg Naaba Boalga

 

 

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