Au Mali, la charte de la transition adoptée ce samedi 12 septembre 2020 à Bamako fixe la durée de la transition à 18 mois et charge un comité formé par la junte de désigner un président civil ou militaire pour diriger cette transition.
Il prévoit aussi trois organes de transition : le président et son vice-président ; le conseil national de transition regroupant 121 personnes réparties entre les forces de défense et de sécurité, le M5 (coalition de l’opposition), les partis politiques, les journalistes, la société civile, les religieux, la diaspora, les jeunes et les femmes et qui aura les prérogatives d´une assemblée; et enfin un Premier ministre à la tête d´un gouvernement de 25 membres.
L’article 19 de la charte concerne particulièrement la junte et ceux qui ont participé aux événements, allant du 18 août (date du coup d’État) à l’investiture du président de transition. Cet article stipule qu’ils bénéficient tous de l’immunité juridictionnelle. Ils ne pourront donc pas être poursuivis ou arrêtés pour des actes posés lors desdits évènements (rappelons que selon la Constitution malienne, le coup d’État est un crime imprescriptible).
Le rapporteur de la réunion désigné par la junte assure que le document est adopté de facto par acclamation. Le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, s´est félicité des travaux lors de son discours de clôture.
Ce qui nous attend à présent est tout aussi ardu. C´est-à-dire mettre en œuvre les résolutions issues de ces assises.
Le M5 n´adhère pas à la charte
A l´inverse, des responsables du mouvement de contestation M5 ont fait entendre leurs critiques. Ce n’est pas encore la rupture définitive entre la junte et le M5. Mais comme le dit Choguel Maïga, président du comité stratégique du Mouvement du 5 juin RFP, c’est un « coup de semonce », une mise en garde aux militaires pour qu’ils revoient leur copie. La charte rendue publique après les journées de concertations « ne reflète pas les points de vue et les décisions du peuple malien », précise un communiqué officiel du M5 qui fourmille de détails.
Par exemple, au lieu d’un civil ou un militaire à la tête de la transition, le choix majoritaire lors des concertations est d’avoir un civil, selon le M5. Même chose pour le Premier ministre poursuit le document. Il y a des rajouts à la charte qui n’ont pas été soumis à débats, ainsi que la non prise en compte de manière unilatérale de nombreux points. En conséquence, le M5-RFP dénonce ce qu’il appelle les « intimidations, les pratiques antidémocratiques et déloyales dignes d’une autre époque contre lesquelles la lutte pour le changement et la refondation a été enclenchée ». Le M5 enfonce le clou : selon lui, la junte a une volonté d’accaparement et de confiscation du pouvoir à son seul profil.
« Ce n´est pas démocratique du tout. Le rapport général a été charcuté et ne correspond pas à ce qui a été dit dans les groupes de travail », a ainsi reproché Sy Kadiatou Sow, grande figure du mouvement démocratique. Dénonçant une « volonté du CNSP de confisquer le pouvoir », l´ancienne gouverneure de Bamako et ex-ministre a déclaré : « Nous n´adhérons pas à cette charte. »
Pour sa part, l’ancien Premier ministre Moussa Mara pointe qu’ « il y a des faiblesses dans la charte, c’est incontestable » mais il estime par ailleurs qu’ « il y a un minimum pour commencer ». Parmi ces faiblesses, il relève le problème de « la relation avec la Constitution de 1992 ». « On semble maintenir, compléter la Constitution alors qu’il y a des éléments dans la charte qui la contredisent », explique-t-il. Il est également sceptique sur « la notion de vice-président et ses rapports avec le président de transition ». Autre faiblesse, selon lui : le « collège pour choisir le président, dont on ne connaît pas le contenu et au conseil de transition, dont la répartition des sièges n’est pas indiquée ». Autant d’éléments, estime-t-il, qui peuvent « créer des difficultés entre les participants ».
SD/ Bamako