J’avais décidé de ne pas me mêler du débat sur l’IUTS parce qu’actuellement au Burkina on parle s’en s’écouter et on s’écoute sans se comprendre. Mais je suis arrivé à bout à force d’entendre les confusions énormes sur cette affaire d’IUTS.
Première confusion: la généralisation de L’IUTS aux travailleurs du public. On entend effectivement des gens, et parfois pas des moindre, dire, volontairement ou involontairement, que le gouvernement veut généraliser l’IUTS au public. Même des journaux sérieux de la place se sont laissé prendre au piège. Quelques titrailles pour illustrer:
* l’observateur paalga n°10 046 du 26 février 2020: généralisation de l’IUTS…..
* l’observateur paalga n°10 048 du lundi 2 mars 2020 (page 23): les financiers ont déclaré la guerre contre l’extension de l’IUTS aux agents publics…
De tels propos laissent croire que les travailleurs du public ne payaient pas l’IUTS et c’est maintenant que la loi a été votée pour leur généraliser L’IUTS. Ce qui est archi faux. Les travailleurs du public payent l’IUTS depuis 1970.
En effet, il est important de rappeler que L’IUTS dans sa forme actuelle a été instituée en 1970 par le Général Tiemoko Marc GARANGO. Avant 1970, les travailleurs étaient soumis à trois types d’impôts : l’impôt sur les traitement et salaires (ITS), l’impôt progressif sur les revenus(IPR) et l’impôt forfaitaire sur les revenus (IFR). La complexité et les difficultés de recouvrement de ces trois impôts, (avant, c’est le travailleur lui-même qui empochait son salaire et qui partait déclarer et payer ses impôts), ont amené les autorités de l’époque, sous la houlette du général GARANGO, d’instituer, en lieu et place de ses trois impôts, l’impôt unique sur les traitements et salaires (L’IUTS) à travers l’ordonnance n°70-43/PRES/MFC du 17 septembre 1970.
Deuxième confusion : l’IUTS, c’est l’impôt unique sur les traitements des salaires. Certains soutiennent en effet, qu’il s’agit d’impôt sur le traitement des salaires donc c’est le salaire seulement qui doit être imposé. Non, il s’agit d’un impôt unique sur les traitements et salaires. Le « et » et non le « de » a son importance. Traitement et salaires indique qu’on n’impose non seulement le salaire mais aussi l’ensemble des autres traitements que le salarié perçoit.
Troisième confusion enfin: la loi a été votée en 2017 pour étendre l »IUTS aux indemnités des travailleurs du public. Ce qui laisse croire donc qu’avant 2017, les indemnités des agents du public échappaient à l’IUTS. Faux, car les indemnités des agents du public comme du privé sont soumis à l’IUTS depuis 1970.
Les syndicats, le gouvernement, la presse et les citoyens, tous parlent d’une loi votée en 2017 pour étendre L’IUTS aux indemnités des travailleurs du public.
Quelques illustrations:
* le ministre DANlJINOU, au sortir du conseil des ministres du mercredi 19 février, déclarait » l’extension de l’Iuts sur les indemnités et les primes versés aux agents publics de l’État sera effective pour compter de ce mois de février ».
* l’observateur paalga de renchérir dans son numéro 10 047 du 28 février 2020 que « la mise en œuvre de cette mesure contenue dans la loi de finances 2017…. »
* l’observateur paalga n°10 044 du 25 février 2020: « IUTS sur les indemnités »
*Sidwaya n°9091 du 27 février 2020: » IUTS sur les primes et indemnités. …une grève générale si…. »
Même le président de l’assemblée s’est laissé prendre dans le piège. En effet, dans son discours d’ouverture de la première session ordinaire de l’année 2020, il a déclaré « depuis l’annonce du gouvernement de l’application de la mesure d’extension de l’IUTS sur les indemnités et les primes versées aux agents de l’État, mesure, rappelons-le, inscrite depuis 2017 dans la loi de finances, depuis bien cette annonce, l’actualité retentit de polémiques, d’invectives et de menaces de tous genres entre partisans et adversaire de ladite mesure ».
Je dis et je le répète, l’imposition des indemnités des agents du public à l’IUTS ne date pas de 2017.
En effet, aux termes de l’article 55 du recueil des textes fiscaux il est dit ceci » il est institué au profit du budget de l’État un impôt unique sur les traitements et salaires applicable à l’ensemble des traitements publics et privés, indemnités, émoluments et salaires de toute nature, perçus au cours de la même année, y compris les avantages en nature à l’exception des avantages en nature supportés par l’état, les collectivités locales et les Établissements publics n’ayant pas un caractère industriel et commercial « . Cette disposition existe depuis 1970.
En 2017, on a élargi les éléments d’imposition à L’IUTS aux primes et gratifications et non aux indemnités. C’était en plein débat sur les fonds communs. A défaut de les supprimer, le gouvernement a estimer qu’il fallait les fiscaliser. C’est ainsi qu’à travers l’article 17 de la loi de finance portant loi de finance pour l’exécution de budget de l’état exercice 2017, on a repris exactement l’article 55 de 1970 en ajoutant simplement un nouvel alinéa qui stipule qu’à partir du 1er janvier 2017 « Sont également imposables à l’impôt unique sur les traitements et salaires, les primes et gratifications de toute nature servies aux travailleurs du public et du privé ». Primes et gratifications et non primes et indemnités.
En 2020, on a relevé les seuils d’imposition des indemnités de logement, de fonction et de transport qui passent respectivement de 50.000 à 75.000 f pour l’indemnité de logement, de 30.000 à 50.000 f pour l’indemnité de fonction et de 20.000 à 30.000 f pour l’indemnité de transport. Cette mesure constitue plutôt un avantage pour le travailleur
En guise d’exemple et de façon schématique, avec l’ancienne loi, un travailleur qui a une indemnité de logement de 60.000 FCFA, le seuil d’imposition étant de 50.000, ce sont les 10.000 FCFA supplémentaires (60
000-50.000) qui étaient imposés à l’IUTS. Avec le relèvement des seuils d’imposition intervenu dans la loi de finances de 2020, tous les 60.000 FCFA d’indemnité sont exonérés car les 60.000 FCFA n’atteignant pas le seuil de 75.000 FCFA.
Recadrons donc le débat, cela permettra certainement de démêler l’écheveau inextricable dans lequel on s’est mis.
Honorable Alexandre SANKARA
Député à l’Assemblée Nationale