La conservatrice allemande a été élue à une courte majorité ce mardi par le Parlement européen. Elle succède à Jean-Claude Juncker et devient la première femme à assumer la présidence de la Commission européenne.
L’ambiance était glaciale et les applaudissements très polis, mardi soir au Parlement de Strasbourg, lorsque sont tombés les résultats du scrutin pour l’élection à la présidence de la Commission européenne.
Ursula von der Leyen élue présidente de la Commission européenne
Ursula von der Leyen est la nouvelle présidente de la Commission européenne. L’Allemande l’emporte de justesse au Parlement européen. Sa candidature avait été proposée par le Conseil européen.
L’Allemande Ursula von der Leyen est bel et bien la nouvelle chef de l’exécutif européen, la toute première femme à la tête de cette institution. Mais sa victoire est tellement courte qu’elle sonne comme un cuisant échec pour les chefs d’État et de gouvernement qui avaient poussé sa candidature en dépit des mises en garde des chefs de file de plusieurs groupes parlementaires, notamment celle de l’Allemand Manfred Weber, écarté de la course à la présidence de la Commission. Ursula von der Leyen devait décrocher la majorité absolue, soit au moins 374 voix. Au final, elle n’obtient que 383 votes pour, 327 votes contre, tandis que 22 eurodéputés se sont abstenus. Pour mémoire, il y a cinq ans, son prédécesseur Jean-Claude Juncker faisait bien mieux, avec 422 voix pour et 250 contre. Ursula von der Leyen, visiblement déstabilisée par son score, s’est dite « honorée » et « émue ». Dans sa première déclaration après son élection, elle a invité tous les eurodéputés à travailler ensemble « de façon constructive ». «Dans la démocratie, la majorité c’est la majorité», a-t-elle déclaré ensuite.
C’est sur cette victoire sans souffle que s’est achevé mardi le marathon de la candidate des Vingt-Huit. La ministre allemande de la Défense, qui savait pertinemment que rien n’était joué pour elle, avait mis toutes les chances de son côté dans ce discours qu’elle a prononcé en début de matinée et peaufiné jusqu’au dernier moment. Trente-trois minutes au total pour soigner et le fond et la forme, en veillant à éviter l’effet catalogue, en parlant tantôt français, tantôt allemand, tantôt anglais. Et en donnant surtout un peu d’elle-même.
La forme d’abord. Bien plus qu’elle ne l’avait fait au cours des deux précédentes semaines, Ursula von der Leyen a joué la carte femme et, au-delà, le symbole franco-allemand. « Il y a exactement quarante ans, la première présidente du Parlement européen, Simone Veil, était élue et présentait sa vision d’une Europe plus unie et plus juste (…) Et quarante ans plus tard, c’est avec une grande fierté que je peux dire : c’est finalement une femme qui est la candidate à la présidence de la Commission européenne », a-t-elle commencé.
Tout au long de ce discours, elle veillera à livrer quelques notes personnelles, rappelant qu’elle a grandi à Bruxelles, qu’elle s’est sentie européenne avant de comprendre plus tard qu’elle était aussi « allemande et bas-saxonne ». Il a aussi été question de ses sept enfants et de son père, ex-chef de cabinet d’un commissaire européen. Il disait : « L’Europe, c’est comme dans un vieux couple. L’amour n’est pas plus fort qu’au premier jour mais il se fait plus profond. » Manifestement, ces jolis mots ont plu.
Barre à gauche
Sur le fond, la candidate des Vingt-Huit, issue de la droite européenne, a clairement mis la barre à gauche. Comment pouvait-il en être autrement ? Von der Leyen se savait soutenue par le PPE. Mais il lui fallait tenter de venir à bout des réticences des sociaux-démocrates (153 sièges) et faire revenir à la raison les Verts (74), qui avaient dit clairement la semaine dernière qu’ils ne voteraient pas pour elle. Au programme donc, la lutte contre le réchauffement climatique avec la neutralité carbone à l’horizon 2050 et un palier à « 50 %, voire 55 % en 2030 », un plan d’investissement pour une Europe durable permettant d’injecter quelque 1 000 milliards d’euros, un « fonds pour une transition juste » afin d’aider notamment les pays de l’Est à passer le cap. Faisant feu de tout bois, feignant d’ignorer que ce n’est pas la Commission mais le Conseil qui a le plus souvent le dernier mot sur un certain nombre de sujets, Ursula von der Leyen a promis un salaire minimum pour toute personne travaillant à temps plein, « un régime européen de réassurance des prestations chômage (…) en cas de chocs externes », « une garantie jeunesse » et « une garantie pour l’enfance » afin que tout enfant menacé de pauvreté « ait accès aux droits les plus élémentaires ».
Patte macroniste
Elle a aussi plaidé pour la majorité qualifiée sur les décisions de politique étrangère et promis « un nouveau pacte sur la migration et l’asile ». Autant dire qu’il y a dans ces propositions une vraie patte macroniste. À l’exception toutefois du sujet du Brexit, sur lequel elle s’est dite ouverte à un report.. Objectif : s’assurer les votes des remainers du Labour et tenter, ce faisant, de faire basculer plus de sociaux-démocrates. Ces propositions étaient-elles suffisantes pour permettre de faire bouger les lignes ? C’était manifestement le point de vue de Nigel Farage qui a critiqué « une version actualisée du communisme ». Les Verts ont toutefois campé sur leur refus. Et, durant toute l’après-midi, l’incertitude demeurait forte. La ministre en charge des Affaires européennes, Amélie de Montchalin, refusait d’ailleurs de se livrer à tout pronostic, au motif que les scrutins à bulletins secrets réservent parfois des surprises.
Les sociaux-démocrates ont finalement appelé à voter pour Ursula von der Leyen, mais plusieurs délégations, représentant une cinquantaine de sièges, faisaient savoir qu’ils ne suivraient pas cette consigne. Notamment les Français, les Belges et surtout les irréductibles Allemands du SPD. La Ligue de Matteo Salvini annonçait son refus de soutenir la candidate du PPE quand le PiS polonais, mis sous pression par Berlin, faisait savoir peu avant le vote que ses 26 eurodéputés voteraient pour elle. Et les eurodéputés PPE dans tout cela ? Ils n’étaient pas à la fête mardi après-midi, lors de leur réunion de groupe. « Ça grogne sur la substance générale du discours. Les pays de l’Est mais aussi beaucoup de CSU ne sont pas d’accord avec le salaire minimum, les listes transnationales et regrettent qu’il y ait eu si peu de régalien et pas de politique agricole commune », confiait un des leurs. Ursula von der Leyen n’a probablement pas fait le plein de voix dans sa propre famille politique… Au final, elle doit son élection aux 14 eurodéputés M5S et au soutien tardif et âprement négocié du PiS polonais, en difficulté sur les questions d’Etat de droit. Mardi soir, un bon connaisseur du Parlement européen s’interrogeait : «La seule vraie question est : la Commission pourra-t-elle s’appuyer sur une majorité stable pour affronter les moments de crise». La réponse est non. Cette majorité solide, la nouvelle présidente doit d’urgence s’atteler à la construire.
Anne Rovan
Le Figaro