Pasteur Jonas Kumankem : "Effectivement, il y a des fidèles qui se plaignent de l’arnaque de certains de leurs pasteurs"

Le pasteur du Jonas Komankem ‘’ de l’église Eau de Vie de la Mission Internationale évangélisation et de Prière’’ à Ouagadougou, au-delà de l’évangélisation, s’érige également au rang d’un éducateur social. Nous abordons avec lui dans cet entretien, la crise de la pratique religieuse chez les jeunes, la dépravation des mœurs, l’immigration des jeunes africains vers l’Europe et le rôle de l’église dans la lutte contre le chômage en Afrique etc. Il nous livre sans détour ses opinions sur ces questions du moment. Lisez plutôt !

I-Burkina : Pasteur Jonas Komankem, peut-on dire comme certaines personnes pensent que la pratique de la religion chrétienne s’effrite au sein de la jeune d’aujourd’hui ?

Pasteur Jonas Komankem : Effectivement le constat général est que la pratique de la religion prend un peu de recul au sein de la jeunesse. Pour la simple raison que la jeunesse

« Je dirais que la jeunesse africaine n’est pas désespérée. Seulement elle manque de leadership »

semble plus préoccuper par la course effrénée du gain facile, du matériel que dans la quête de la spiritualité.  C’est un signe des temps dont on ne peut pas indexer la responsabilité des parents, ni des guides spirituels. De nos jours il y a beaucoup de facteurs technologiques qui influencent l’éducation, la culture et même la religion. Par exemple : les réseaux sociaux. Fort heureusement, cette influence concerne plus la jeunesse des grandes villes qui ont plus accès à cette technologie. Donc je ne pense pas qu’il y a péril dans la demeure. Car nous poursuivons inlassable l’enseignement de la sagesse des Saintes écritures qui dit : « Ne te conforme pas au siècle présent. Il faut avoir le renouvellement de ton esprit ». Ainsi nous invitons les jeunes à relever le défi car la parole de Dieu dit : « Jeune c’est un temps pour toi de chercher Dieu, car tu dois te préparer à la rencontre de ton Dieu » dans Amoche 4 verset 12

La dépravation des mœurs, le désœuvrement, l’inadéquation formation-emploi sont autant de causes qui expliqueraient la croissance du chômage des jeunes. Comment pourrait-on parvenir à surmonter ce fléau ?

D’abord il faut une conversion des mentalités. Aux premières heures des indépendances, le besoin des cadres par l’État était énorme pour le fonctionnement de l’administration. De même il n’y avait pas suffisamment d’écoles qui formaient les élites. A cette époque c’était plus facile à l’État d’absorber les diplômés. De nos jours, de l’enseignement primaire au supérieur en passant par le secondaire il y a eu un boom d’effectifs avec des succès remarquables. L’évidence qui s’impose est que l’État ne peut plus   être le seul employeur des débouchés du système éducatif. Ceci étant, je pense qu’il faut dès maintenant donner la priorité à la formation technique. Surtout préparer les jeunes à avoir le goût de l’initiative privée. Bien sûr on ne peut pas résoudre ce fléau à coup de bâton magique, car tout part de l’éducation. Donc, s’il y a des reformes à ce niveau je pense que le problème sera progressivement résolu. Il faut aussi combattre certains vices comme la drogue, la quête du gain facile chez les jeunes.

Au-delà de la célébration des cultes, de l’enseignement de l’évangile sur les valeurs cardinales de la vie sociale, quel accompagnement pratique l’église devrait aussi s’atteler à soutenir les fidèles pour leur insertion sociale et leur épanouissement intégrale ?

L’église a toujours associé l’enseignement de l’Évangile et le soutien des fidèles à divers niveaux. Certaines églises ont des centres de formation pour les handicapés ou divers métiers sont enseignés, il y a des orphelinats à la responsabilité des églises, sans oublier que certaines églises aussi ont des structures telles que des établissements d’enseignements secondaires et supérieurs, des chaînes de radios et de télévisons, des ONG, des projets, des imprimeries, des librairies, etc. qui offrent des opportunités d’emplois aux hommes et aux femmes, La structuration des églises, leurs organisations et leurs fonctionnements exigent nécessairement la création d’emplois pour accompagner ses missions. La finalité de l’église n’est pas exclusivement l’évangélisation, mais aussi la prospérité sociale des fidèles, la paix et l’harmonie sociale. Car l’église a besoin d’un cadre pareil pour mieux exercer sa mission.

Pasteur, il ressort aussi que certains de vos pairs vivent exclusivement d’une manière ou d’une autre de l’apport des fidèles. Cela est-il recommandé ?

A vrai dire, il y a de l’exagération dans les propos de certaines personnes. Parce que la dîme dont vous voulez parler est bien écrite dans la Bible. Elle sert au fonctionnement de l’église et aussi à soutenir les cas sociaux. Mais dans toute œuvre humaine, il y a des brebis galeuses. Effectivement, il y a des fidèles qui se plaignent de l’arnaque de certains de leurs pasteurs. Personnellement, on m’a raconté des cas. Je pense que ça ne devrait pas être ainsi. C’est dommage que certains pasteurs en abusent de la dîme pour des fins de luxe personnel.

Le spectacle le plus désolant est que des dizaines de milliers de jeunes africains perdent leur vie sur les côtes de la méditerranée dans l’espoir d’une vie meilleure en occident. Qu’est ce qui expliquerait selon vous cet exode massif et comment y remédier ?

Je pense que simplement les jeunes se font des illusions. De même les jeunes n’ont pas de vision sur leur propre avenir. Ils vont à l’aventure aveuglement. Quand on pense qu’on ne peut pas réussir dans son propre environnement qu’on connait mieux, c’est plus hasardeux de s’aventurer vers un autre univers qu’on découvrira la réalité.

Primo : les jeunes font la ruée vers l’occident par manque d’informations tangibles sur la réalité de la vie occidentale.

Secundo : ils pensent que le travail en Europe est à la portée de tout le monde,

Enfin tertio : les jeunes pensent que la réussite sociale et le bonheur s’octroient en Europe.

Pour y remédier la communication et l’information ont une grande responsabilité. De même il faudrait une franche collaboration en l’Europe et l’Afrique pour résoudre ce fléau. A savoir identifier les problèmes réels de la jeunesse africaine qui s’articulent autour de l’emploi et solliciter l’aide du partenaire européen à ce niveau.

Cette lutte contre l’immigration est jusque-là exclusivement menée par les politiques. En tant que leaders religieux quel message avez-vous pour cette frange de la jeunesse désespérée ?

Je dirais que la jeunesse africaine n’est pas désespérée. Seulement elle manque de leadership.

L’enseignement au leadership est d’un des points focaux dans mon église. La société doit jouer sa part de responsabilité en intégrant et en accompagnant les sans-emplois. Quand l’homme se sent considérer dans son milieu il a plus d’énergie pour se battre pour être utile à la société. Nous ne devons pas nous mépriser quel que soit la situation des uns et des autres. Nous devrons s’épaule pour continuer à avancer ensemble. Dans la Bible l’échec n’existe pas, c’est une expérience qu’on acquiert. Et l’échec devient un tremplin pour l’homme pour faire des bonds en avants.

Au regard des multiples crises qui secouent l’Afrique, peut-on toujours être optimiste pour un lendemain encore meilleur ?

La Bible nous enseigne que si tu crois tu verras la gloire de Dieu. Nous devrons être optimistes pour un lendemain meilleur car si nous perdons l’espoir nous cesserons de bâtir l’Afrique. Les premiers bâtisseurs de l’Afrique se sont les Africains et nous parviendrons sans doute à développer notre continent.

Vous êtes Pasteur et éducateur, que pensez-vous du dialogue interreligieux ?

« Les jeunes font la ruée vers l’occident par manque d’informations tangibles sur la réalité de la vie occidentale »

Nous formons une famille. C’est une fierté d’avoir une famille avec diverses croyances. Chrétiens, musulmans ou coutumiers nous appartenons tous à une même société, nous avons la même identité burkinabè donc il y a une fraternité de sang qui nous unis. Cette symbiose de fraternité a existé dans l’histoire et elle continuera d’exister pour le bien-être de nos progénitures. Pour cela j’invite les Pasteurs, les Prêtres, les Imam etc. d’enseigner fidèlement les membres pour qu’ils vivent en parfaite harmonie en société avec leurs frères et sœurs des autres communautés religieuses. La vraie foi en Dieu doit nous rapprocher les uns aux autres dans l’entraide mutuelle et non nous divisé.

Interview réalisée par A. K

 

 

 

 

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