Photo de famille des Cardinaux, Archevêques et Évêques à la Conférence Épiscopale Régionale de l’Afrique de l’Ouest (RECOWA/CERAO)

Gardons l’Espérance !

Message pastoral

Des Cardinaux, Archevêques et Évêques de la Conférence Épiscopale Régionale de l’Afrique de l’Ouest (RECOWA/CERAO) au Peuple de Dieu ainsi qu’aux personnes de bonne volonté, au terme de leur troisième Assemblée Plénière tenue à Ouagadougou au Burkina Faso, du 13 au 20 mai 2019.
Chers frères dans le sacerdoce ministériel,
Chers frères et sœurs de la vie consacrée,
Chers fidèles laïcs,
Vous tous, hommes et femmes de bonne volonté,
Salutations

  1. Au moment de clore notre troisième Assemblée Plénière portant sur « la nouvelle évangélisation et la promotion du développement humain intégral dans l’Église-Famille de Dieu en Afrique de l’Ouest », nous sommes heureux de vous adresser ce message de paix, d’encouragement et d’espérance.
    En cette année où l’Église-Famille de Dieu en Afrique célèbre un double Jubilé – le Jubilé d’argent de la première Assemblée spéciale du Synode des Évêques pour l’Afrique et le Jubilé d’or du Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et Madagascar (SCEAM) – nous rendons grâce au Seigneur qui nous a conviés ici à Ouagadougou pour prier ensemble, écouter sa Parole, vivre un moment de fraternité et réfléchir à certaines questions urgentes qui interpellent notre mission de Pasteurs.
    3. Ce pays qui nous a accueillis pour une semaine entière est un pays meurtri, dont les fils et filles sont vivement préoccupés par les attentats et attaques terroristes qui, depuis quelques temps, sèment la désolation et le désarroi au sein des populations, en particulier dans les communautés chrétiennes.
    Le cœur rempli d’émotion et de tristesse, nous pensons à nos frères et sœurs qui ont payé de leur vie leur fidélité à l’Évangile et leur dévotion à la Vierge Marie, notamment les Pères Antonio César Fernández, salésien de Don Bosco, et Siméon Yampa (prêtre diocésain de Kaya) ainsi que les fidèles laïcs de la paroisse de Dablo (Diocèse de Kaya) et de Bam (Diocèse de Ouahigouya). Nous ne saurions oublier les membres des autres confessions religieuses qui ont connu le même sort.
    4. De même, aux prêtres toujours détenus en otage, Pier Luigi Maccalli, Société des Missions Africaines (SMA), en mission à Bomoanga au Niger, et Joël Yougbaré, du Diocèse de Fada Ngourma, en mission à Djibo au Burkina, nous exprimons le soutien moral et spirituel de toute notre communauté chrétienne.
    5. Face à cette inquiétante vague de violence qui souffle, non seulement sur le Burkina Faso mais aussi sur le Niger, le Mali et le Nigeria, nous exprimons notre plus vive condamnation et voulons assurer nos frères et sœurs meurtris de notre solidarité, de notre communion priante et de notre compassion. En tenant notre assemblée ici au Burkina, malgré les informations peu rassurantes qui nous étaient parvenues, nous avons voulu vous donner un signe de notre proximité effective et affective.
    Au nom de toute notre Église-Famille de Dieu en Afrique de l’Ouest, nous vous présentons notre sincère compassion tout en recommandant à la miséricorde de Dieu les victimes innocentes de ces actes barbares. Devant la violence, nous n’avons qu’une réponse à donner, celle que nous a enseignée notre Maître et qui est inspirée par notre foi : la confiance en Dieu, le pardon et l’amour désintéressé. « Aimez vos ennemis. Faites du bien à ceux qui vous haïssent » nous demande Jésus (Lc 6, 27).
    Notre mission à la suite du Christ
    6. Nous sommes des disciples du Christ et rien ne nous empêchera de suivre son exemple. Envoyé par le Père, « non pas pour juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé » (Jn 3,17), Jésus nous a révélé le visage miséricordieux de ce Père qui, déjà dans l’Exode, s’est fait connaître à Moïse comme celui qui a vu la misère de son peuple, qui a entendu ses cris de détresse et qui est descendu pour le sauver (cf. Ex 3,7-8).
    7. Inaugurant la plénitude des temps et d’aujourd’hui du salut, Jésus s’est présenté dans la synagogue de Nazareth comme le Prophète envoyé pour se pencher sur les misères humaines. A ce titre, il a révélé son identité et sa mission comme « consacré par l’Esprit pour porter la bonne nouvelle aux pauvres… annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce de la part du Seigneur » (Lc 4,18-19 ; cf. Is 61,1-2a).
    8. Ainsi engagé aux côtés des hommes et des femmes dans leurs aspirations les plus profondes, Jésus a offert à l’Église et à ses pasteurs le modèle de son propre ministère en faveur de la promotion du développement intégral de la personne humaine. Voilà pourquoi, nous aussi, poursuivant l’œuvre de notre divin Maître et Seigneur, nous voulons nous tenir aux côtés de toutes les personnes qui souffrent, faisant nôtres leurs joies et leurs espoirs, leurs angoisses et leurs douleurs (cf. Gaudium et spes 1).

Les situations préoccupantes de notre sous-région
9. Avec la détermination et l’abnégation de ses fils et filles, l’Afrique notre continent a commencé à corriger aux yeux du monde l’image séculaire que l’on garde d’elle comme cet homme qui, descendant de Jérusalem à Jéricho, tomba entre les mains des bandits qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et le laissèrent à moitié mort (cf. Lc 10,30-37). Si l’Afrique n’a fait, dans le système d’aide au développement, que l’expérience d’hypothétiques prochains peu soucieux de son relèvement, elle a pu expérimenter depuis plusieurs décennies, à travers l’engagement missionnaire et caritatif de l’Église, la proximité de la divine figure du Bon Samaritain.
Malheureusement, au cours de ces dernières années, l’on voit apparaître des menaces inattendues, des tragédies inédites et des catastrophes nouvelles qui cherchent à annihiler tous ces efforts de développement social et de promotion humaine.
10. Ces drames ont de multiples facettes : des épidémies que l’on n’arrive pas à maîtriser, des catastrophes écologiques, de nouveaux foyers de tensions sociales avec des violences intercommunautaires et interreligieuses qui contrastent avec les traditions séculaires de tolérance et d’hospitalité, des élections organisées dans des conditions chaotiques qui débouchent sur des crises meurtrières, des atteintes à la démocratie, des réconciliations nationales difficiles à réaliser, de nouvelles formes de terrorisme interne aux États ou transfrontalier qui frappent aveuglément, le drame de la migration qui touche spécialement des jeunes Africains attirés par la soif d’une vie meilleure mais qui s’arrête brusquement dans les flots de la Méditerranée ou dans le désert libyen, le développement de nouvelles formes de pauvretés et de misères qui touchent les plus défavorisés malgré nos richesses naturelles et humaines, la politisation de l’espace scolaire et universitaire.

Nouvelle évangélisation et développement
11. Dans un tel contexte, nous, évêques de l’espace RECOWA/CERAO, rassemblés dans l’esprit de la collégialité épiscopale et de l’Église-Famille de Dieu en Afrique, réaffirmons que notre charge principale est « d’annoncer au monde l’espérance, à partir de la prédication de l’Évangile de Jésus Christ, non seulement l’espérance qui concerne les réalités présentes, mais avant tout et surtout l’espérance eschatologique, celle qui aspire au trésor de la gloire de Dieu, celle qui surpasse tout ce que le cœur de l’homme n’avait pas imaginé et à laquelle ne peuvent être comparées les souffrances du temps présent » (Pastores Gregis 3).
12. Devant le contraste saisissant de notre continent si affaibli mais pourtant si pourvu de richesses naturelles par le Créateur, nous nous unissons à la prière du Pape François, en ce mois de mai, « pour qu’à travers l’engagement de ses membres, l’Église en Afrique soit ferment d’unité entre les peuples, signe d’espérance pour ce continent ».
Renouvelant notre mission de prophètes, de témoins et de serviteurs de l’espérance, accueillant déjà les fruits de l’Esprit promis par le Ressuscité et effusé sur ses disciples à la Pentecôte, nous voulons rejoindre fraternellement chacun et chacune de vous, nos frères et sœurs. Nous avons, en effet, pour vous, de la part du Christ et de son Église un message : la Bonne Nouvelle.

Aux prêtres et aux personnes consacrées
13. La nouvelle évangélisation nous appelle à de nouveaux choix et à de nouvelles attitudes. Dans la situation actuelle que traverse notre continent, l’Église doit être un signe d’espérance, un lieu d’unité de la famille humaine voulue par Dieu le Père et rassemblée par le sang précieux de son Fils Jésus-Christ. Pour ce faire, elle a besoin de pasteurs crédibles, de témoins qui annoncent l’Évangile non pas seulement en paroles, mais aussi et surtout par le témoignage de leur propre vie.
L’Église en Afrique ne saurait être un signe d’espérance si ceux qui animent sa vie et lui donnent un visage concret ne sont pas crédibles. Nous en appelons à une prise de conscience de ce que les pasteurs sont appelés à être au regard de la confiance que le Christ a placée en eux, « sel de la terre […] et lumière du monde » (cf. Mt 5,13.14).
14. D’une manière particulière, nous vous exhortons à accorder aux jeunes la place qui leur revient dans l’Église et dans la société. Sachons nous mettre à leur disposition pour les écouter, les accompagner en cultivant en eux l’amour de notre continent et le sens du devoir bien accompli. Sensibilisons-les davantage sur les dangers de l’émigration irrégulière. Aidons-les à croire en eux-mêmes et en leur capacité à réussir en Afrique.
Accueillons-les quand ils sont en situation de précarité et offrons-leur un accompagnement pastoral et spirituel. Aidons-les à trouver des opportunités de gagner leur vie. Pour tous ceux qui reviennent d’une expérience malheureuse d’émigration, œuvrons pour qu’ils puissent toujours trouver dans l’Église un espace d’accueil pastoral et spirituel qui leur permette de se réinsérer dans leur pays et dans leur communauté ecclésiale pour vivre pleinement leur foi.

A tous les autres leaders religieux
15. A vous tous, leaders religieux qui confessez la foi en Dieu, nos salutations fraternelles ! Une tâche urgente pour l’Afrique nous interpelle tous, avec le développement de nouvelles formes d’intégrismes, sources de violences aveugles, qui sèment la terreur et déstabilisent nos nations. C’est ensemble que nous devons nous lever pour dénoncer toute instrumentalisation de la religion, en particulier, les assassinats perpétrés au nom de Dieu.
Notre Dieu est un Dieu d’amour et nous devons le servir en aimant et non en tuant des innocents en son nom. Ceux qui le font souhaitent sans doute nous lancer dans une guerre interreligieuse ou interethnique. Nous ne cèderons jamais à leur manipulation et resterons fermes dans notre détermination à cultiver le dialogue interreligieux et le vivre-ensemble, dans une acceptation mutuelle et un accueil réciproque.

A nos jeunes : forces vives de nos pays
16. Vous représentez le présent et l’avenir de l’Afrique qui doit lutter avec toutes ses ressources pour la dignité et le bonheur de ses fils et filles. Dans ce cadre, nous ne pouvons pas nous taire devant le phénomène de votre migration, en particulier vers l’Europe. Nos cœurs de pasteurs et de pères souffrent devant le spectacle de ces embarcations surchargées de jeunes, de femmes et d’enfants qui s’abîment dans les flots de la Méditerranée.
Certes, nous comprenons votre soif de bonheur et d’un mieux-être que vos pays ne vous offrent pas. Le chômage, la misère, la pauvreté demeurent des maux qui humilient et révoltent. Cependant, ils ne doivent pas vous entraîner à sacrifier votre vie en empruntant des chemins si périlleux et pour des destinations incertaines. Ne vous laissez pas égarer par de fausses promesses qui vont vous conduire à des esclavages et à un avenir illusoire ! Avec un dur labeur et de la persévérance vous pouvez réussir en Afrique, et, surtout, faire de ce continent une terre prospère.
Aux gouvernants et aux hommes politiques
17. Au nom du Christ, nous saluons avec respect votre engagement et votre mission au service de nos peuples dans un contexte international des plus délicats et des plus complexes. De par vos fonctions politiques, vous êtes spécialement les gardiens de vos frères et sœurs et de vos nations. Dans leur aspiration au développement, dans leur désir profond d’un mieux-être, dans leur lutte pour des conditions de vie meilleure, dans leur aspiration à la paix, à l’éducation, au bonheur, les regards de vos peuples sont tournés vers vous.
18. En cette période particulièrement délicate de la marche de notre continent confronté aux défis de la globalisation, votre responsabilité se trouve engagée et votre mission est devenue plus exigeante tant il est vrai que vos choix politiques conditionnent le présent et l’avenir de millions de personnes dont vous êtes responsables.
Les défis multiples et multiformes auxquels nos pays se trouvent confrontés en termes de développement, de sauvegarde de l’environnement et de la planète, de création d’opportunités pour les jeunes, de formation adéquate des citoyens, de réconciliation, de justice et de paix, exigent de vous un engagement sans réserve. Dieu a béni l’Afrique et l’a dotée de tant de richesses humaines et naturelles qu’elle peut offrir à tous ses enfants ce qu’il leur faut.
19. Avec vous et pour vous, nous prions pour que les privilèges et les intérêts personnels ne prennent pas le dessus dans vos cœurs, mais que vous vous acquittiez de votre charge, en donnant une priorité absolue au bien commun, dans un esprit de service, à la manière de Jésus Christ, qui est « venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10,45).
Dans ce sens, nous vous exhortons à combattre tout ce qui met en péril le bien commun et porte atteinte à la dignité de la personne humaine : la corruption, la mauvaise gestion et le trafic des êtres humains sous toutes ses formes. En plus, vous ne devez jamais relâcher vos efforts pour assurer la sécurité de la vie et des biens de vos concitoyens.
Tel est votre premier devoir. Nous avons conscience que ce défi majeur dont dépend l’aboutissement des divers plans stratégiques de développement de nos pays n’est pas simple à relever. Nous vous encourageons à mettre ensemble vos forces dans la sous-région (renseignement et forces de défense) pour affronter cet ennemi commun du bien-être des Africains.
20. Sans vouloir se substituer à vous, dans vos responsabilités politiques, l’Église dont la mission est tout autre, se tient à vos côtés. Avec vous, elle veut œuvrer pour des nations apaisées et des communautés plus unies autour des valeurs nouvelles du Royaume de Dieu qui transcendent les barrières ethniques, religieuses et géographiques. Avec vous, L’Église veut collaborer pour promouvoir la bonne gouvernance, l’état de droit démocratique, les élections transparentes, justes et crédibles, le respect des constitutions nationales, le verdict des urnes et l’alternance démocratique.
21. Nous en appelons à un ordre international plus juste pour que notre continent ne soit pas continuellement pillé au profit d’une minorité. Nous plaidons en faveur d’une meilleure répartition des richesses du monde, d’une rémunération plus juste des efforts de chacun, d’une réelle justice sociale aussi bien à l’intérieur de nos Etats qu’au niveau des relations internationales.

Remerciements et prière
22.
Au terme de notre Assemblée, véritable moment de grâce, nous tenons à exprimer notre sincère gratitude à Dieu ainsi qu’à l’Église-Famille de Dieu au Burkina-Niger, aux plus hautes Autorités politiques, civiles et administratives, en particulier au Président du Faso, aux Forces de Défense et de Sécurité, à tout le comité d’organisation, aux partenaires, aux hommes et femmes des médias et à vous tous qui nous avez accompagnés de vos prières et de vos services.
23. Nous appuyant sur la promesse du Christ qui demeure avec nous jusqu’à la fin des temps (cf. Mt 28, 20), nous vous invitons à garder l’espérance. De tout cœur, nous vous bénissons et vous confions à la protection maternelle de Marie Notre Dame d’Afrique.

Fait à Ouagadougou, le 19 mai 2019.
Les Évêques de la RECOWA-CERAO

 

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