« Si les unions monétaires limitent de facto la flexibilité monétaire de chaque Etat, elles agissent également comme un bouclier contre d’éventuelles crises de balance de paiements d’un pays membre grâce à la mutualisation des réserves de change », fait savoir Standard and Poor’s Global Ratings, dans une note d’analyse transmise à l’Agence Ecofin.
Graphiques à l’appui, S&P fait savoir que l’un des atouts du Franc CFA est d’avoir contenu le niveau d’inflation dans les pays qui l’utilisent notamment dans les zones CEMAC et UEMOA, au contraire des autres pays de la région qui ont parfois fait face à des hausses de prix moyennes de 15,6%. Aussi l’agence de notation pense que « le partage d’une même devise permet également de faciliter les échanges intra-régionaux au sein de chaque zone. »
Bien qu’ils soient factuels et cohérents, ces arguments résistent cependant peu à la critique des opinions anti-CFA. Ces dernières parviennent à convaincre une grande majorité de l’opinion publique, que la stabilité des prix évoquée dans la zone CFA est un mythe. Cette « stabilité » ne serait due qu’au fait qu’une part importante (en moyenne 40%) des ménages des pays concernés, ne parviennent plus à s’offrir un ensemble de biens essentiels sur la seule base de leurs revenus de travail.
Par ailleurs, les récentes statistiques combinées de la Banque Africaine de Développement ou encore de la CNUCED, montrent bien que les échanges intrarégionaux au sein de l’UEMOA et la CEMAC, malgré le bénéfice que confère la monnaie commune, sont parmi les plus faibles comparés à ceux des autres régions.
Standard and Poor’s n’ignore aucun de ces arguments, mais pensent que le FCFA est aujourd’hui plus solide que lors de sa dévaluation en 1994. Son analyse à ce sujet fait remarquer d’une part, que le CFA n’est plus arrimée à la monnaie d’un seul pays (la France en l’occurrence). Cette précision est de taille, car elle élimine l’hypothèse d’une France capable à elle seule de déstabiliser cette monnaie, comme cela avait été soupçonné par le passé.
Aussi, l’agence de notation fait remarquer que, malgré les problèmes des pays utilisant le FCFA, leurs banques centrales, même en temps de crise, n’ont plus jamais recouru aux avances du trésor public français depuis la dévaluation de cette monnaie en 1994. Un autre point qui démonte l’argument d’une monnaie inférieure.
Au-delà du débat politique, des problématiques techniques
Au-delà de ce vaste débat, la question du FCFA pour beaucoup d’Africains, est une question de principe, de souveraineté, ou encore de fierté. Beaucoup se refusent de voir ou d’admettre que le FCFA n’est pas la seule monnaie dont le destin est étroitement lié à une grande devise. Les résistances des banques centrales d’Egypte ou encore du Nigéria à dévaluer leurs monnaies, malgré la baisse que connaissaient leurs avoirs extérieurs, sont la preuve que dans ces pays on aurait souhaité avoir plus de stabilité monétaire, pour éviter des chutes drastiques des pouvoirs d’achat, surtout pour les ménages les plus pauvres.
Par ailleurs, on relève aussi que des économies comme celles des Emirats Arabes Unies, dont la source de départ des revenus en devise a été pendant longtemps le pétrole, et dont la monnaie (Dirham des Emirats) est arrimée de manière fixe au dollar américain, ont su diversifier leurs sources de revenus en devises grâce à des investissements pertinents, notamment via le tourisme d’affaires et les services.
Toutefois il ne faut pas voir dans l’argumentaire de S&P un soutien inconditionnel au franc CFA. L’agence de notation n’a pas manqué de soulever des éléments de menace qui entoure cette monnaie. Elle fait par exemple savoir qu’une amélioration de la croissance dans la zone Euro, et donc de sa monnaie, constituerait un risque surévaluation pour le FCFA, dont les principaux marchés à l’export, sont désormais la Chine et l’Inde, qui sont en quête de ressources peu chères en devises.
Quant à la France, le partenaire historique des accords monétaires avec les pays de la zone Franc, elle semble de plus en plus ouverte à une révision des accords, même si le discours du président Emmanuel Macron, lors de sa récente visite au Burkina Faso, ne répond pas à toutes les questions qui peuvent se poser. Dans ses propos, le président français a indiqué que le pays qui le souhaitait pouvait se désengager de la Zone Franc, mais renoncerait ainsi à la stabilité et la garantie de convertibilité. Il faut maintenant se demander comment pourrait ses gérer ce divorce et surtout à combien s’élèverait la facture.
Idris Linge
Source : agenceecofin