Cela fait un an que Roch Marc Christian Kaboré préside aux destinées de la Nation. Une année qui n’aura pas été de tout repos, pour le chef de l’Etat et son équipe, aussi bien en raison des nombreuses attentes sociales des Burkinabè que des événements malheureux d’ordre sécuritaire et autres. A la faveur d’une interview qu’il nous a accordée le 29 décembre dernier, dans son bureau à l’hémicycle, Salifou Diallo, président de l’Assemblée nationale, s’est prononcé sur plusieurs sujets concernant la vie de la Nation. Entre autres sujets, sa sortie sur « les institutions de Bretton Woods », « l’affaire de la CAMEG » avec son soutien réel ou supposé au ministre en charge de la Santé et « l’affaire des tablettes remises aux députés ».
Le Pays : Comment vous sentez-vous dans vos habits de Président de l’Assemblée nationale, vous qui n’aviez jamais exercé dans les faits, de mandat électif ?
Dr. Salifou Diallo : Permettez- moi de vous dire merci pour votre initiative de tenir cette interview. A l’orée de l’année 2017, je voudrais saisir l’occasion pour formuler mes vœux de bonne et heureuse année 2017 aux populations burkinabè et à tous les peuples amis du Burkina Faso. Pour revenir à votre question, bien qu’ayant été déjà élu, de par le passé, je n’avais jamais eu l’opportunité de siéger. En 2015, c’est avec responsabilité et humilité que je me suis engagé, sous la 7ème législature, à siéger. Par la suite, les députés m’ont investi de leur confiance pour présider l’Institution. Cela dit, je m’investis à remplir les missions et à tenir les responsabilités qui sont, en ce moment, les miennes. Avec le Bureau de l’Assemblée, nous travaillons à faire de l’Assemblée nationale, une institution à la hauteur des ambitions de notre peuple.
Après un an à la tête de l’Assemblée nationale, le poste que vous occupez correspond- il à l’idée que vous vous en faisiez avant votre prise de fonction ?
La mise en place des institutions républicaines, après la tenue réussie des élections présidentielle et législatives couplées le 29 novembre 2015, est la résultante de la lutte héroïque du peuple burkinabè pour la démocratie et le progrès. Considérant donc que nous sommes des élus du peuple insurgé, avec tout ce que cela comporte comme charges émotionnelles et défis historiques à relever, notre vision est d’asseoir naturellement une Assemblée nationale dynamique, de progrès et en phase avec les aspirations des populations de notre pays. Et c’est ce à quoi nous nous employons chaque jour, avec esprit de responsabilité, d’engagement et d’ouverture. Vous comprenez donc aisément que l’idée que je me faisais avant ma prise de fonction par rapport à celle que j’ai aujourd’hui, est sensiblement la même. Ce sont de lourdes responsabilités et il ne faut pas s’attendre à ce que ce soit de tout repos. Mais quand on aime son peuple, on se doit être disposé à consentir tous les sacrifices nécessaires pour son mieux-être.
Les députés de l’opposition vous reprochent de vouloir vous substituer à l’Exécutif. Pouvez-vous nous dire quels rapports vous entretenez avec tous les députés de manière générale ?
Nous entretenons des relations cordiales et franches entre députés. Dans le cadre du travail parlementaire, la démarche participative et le consensus sont privilégiés. C’est pourquoi vous voyez que le débat prévaut toujours dans les travaux en commissions et à l’hémicycle. La parole est libre pour les députés.
« Les élus ont consenti une réduction de 19 % sur leurs émoluments, ce qui devrait permettre au Trésor public de faire une économie substantielle de 2 milliards de F CFA au terme de la législature »
Le fonctionnement de l’Assemblée nationale obéit à des règles fixées par le règlement de notre Assemblée et à des principes communs à beaucoup de parlements au monde. Je suis respectueux du principe de la séparation des pouvoirs. Il ne faut cependant pas oublier que nous sommes des représentants du peuple et à ce titre, nous transmettons ce que nos mandants expriment comme préoccupations au Gouvernement.
Et pourtant, des députés de l’opposition vous reprochent de vouloir vous substituer à l’Exécutif.
Pour ce qui est de l’avis des députés dont vous faites cas, je ne voudrais pas verser dans la polémique. Je vous invite tout simplement à vous référer à la Résolution N°001-2016/AN portant règlement de l’Assemblée nationale, notamment dans le chapitre 10 sur la tenue des séances plénières.
Après un an de législature, quelles actions fortes peut-on en retenir ?
Les députés de la septième législature se sont engagés à remplir leurs missions dans le sens de répondre aux aspirations légitimes du peuple burkinabè. Dès le 19 janvier 2016, les élus ont consenti une réduction de 19 % sur leurs émoluments, ce qui devrait permettre au Trésor public de faire une économie substantielle de 2 milliards de F CFA au terme de la législature. Les députés ont entrepris de mettre l’accent sur le contrôle de l’action gouvernementale. En deux sessions ordinaires et une session extraordinaire, ont été adoptées vingt-deux (22) résolutions, quatre (4) questions d’actualité, trente-trois (33) questions orales et plusieurs lois dont les lois portant réglementation générale de la commande publique, portant statut général des Forces armées nationales, portant conditions d’avancement des personnels d’active des Forces armées nationales ; et la loi de finances portant budget de l’Etat, gestion 2017. Le vote de cette loi de finances a pour finalité de doter notre pays d’un budget à la mesure des aspirations multiformes de notre peuple. Deux commissions d’enquêtes sur les mines et le foncier urbain ont travaillé et les résultats des travaux sont satisfaisants. Plusieurs membres du gouvernement ont été interrogés sur des sujets majeurs. Il est important de dire que l’Assemblée nationale a élaboré et adopté son Plan stratégique 2017-2020, assorti de programmes à même de faire de la Représentation nationale à l’horizon de 2020, une Assemblée nationale forte, moderne, innovante, accessible et totalement au service des populations. Au chapitre parlementaire international, la septième législature a entrepris des actions de renforcement du positionnement et du rayonnement du Burkina Faso sur la scène internationale en général et au sein des instances parlementaires en particulier. Il y a eu notamment la reconquête, après une suspension d’une année, du statut de membre de droit au sein de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) qui s’est tenue à Madagascar du 8 au 12 juillet 2016 ; l’organisation de la 38e session du Comité interparlementaire des pays membres de l’UEMOA (CIP-UEMOA) ; l’organisation d’une réunion du réseau parlementaire international sur le paludisme, la tuberculose et le VIH en partenariat avec l’AFP (les 2-3 octobre 2016) ; l’organisation de la commission mixte du Parlement de la CEDEAO sur les enjeux du Tarif Extérieur Commun (du 23 novembre au 03 décembre 2016) et l’organisation de la conférence parlementaire sur la problématique de l’abolition de la peine de mort (du 19 au 20 décembre 2016). Pour 2017, l’Assemblée nationale va poursuivre dans le sens du contrôle de l’action gouvernementale en faisant d’autres commissions d’enquêtes et des missions d’information parlementaire.
Quelle touche personnelle comptez-vous apporter à la vie du parlement ?
Nous avons privilégié l’ouverture, la transparence et le consensus comme approche afin d’être un organe législatif en phase avec les aspirations des populations de notre pays. Nous voulons donc une Assemblée où les députés travaillent en ayant toujours à l’esprit le sacrifice de notre peuple et des martyrs tombés pour la liberté et le progrès de notre pays. Il faut donc un Parlement où le courage, l’audace et la volonté de vivre et de vivre libre des élus, s’égalent à leur ambition de travailler à répondre aux aspirations profondes des populations.
Le Parlement burkinabè a la réputation d’être une caisse de résonnance de l’Exécutif. Est-ce toujours le cas sous votre magistère ?
Pour ce qui est des députés de la présente législature, la question ne mérite pas d’être posée. Les députés ont prouvé, à plusieurs reprises, que l’Assemblée nationale joue et entend jouer pleinement son rôle dans le respect du principe de séparation des pouvoirs. Les journalistes sont témoins de l’intensité des débats à l’Assemblée nationale. Quand les ministres se présentent à l’hémicycle pour les projets de lois ou pour répondre aux questions des députés, nous leur tenons un langage de vérité. Aussi, au regard de la configuration actuelle de l’Assemblée nationale, on ne peut pas dire cela, surtout avec les hommes et les femmes qui la composent. Je crois qu’on n’a pas de députés qui ne soient pas à la hauteur. Les débats sont très animés techniquement. Les députés cernent parfaitement les questions de développement, les questions techniques de tout genre et ont des convictions politiques. Donc, cette assemblée ne peut pas être une caisse de résonnance.
Pourtant, sauf erreur ou omission de notre part, aucun projet de loi venant de l’Exécutif n’a été rejeté ?
Dans les commissions, nous avons beaucoup rejeté des projets qui nous sont parvenus. Bien sûr, cela ne s’est pas fait en plénière mais au sein des commissions. Nous avons retourné au gouvernement plusieurs projets de lois que nous avons jugés inappropriés.
Lesquels ?
Je peux vous citer le projet de loi sur la caisse de dépôt et de consignation. C’est un grand projet mais le projet de loi élaboré par le gouvernement, n’était pas, à notre point de vue, assez bien organisé.
« Je n’ai pas demandé à naître Ouahigouya, ni Kadhafi »
Quel commentaire faites-vous de la gestion du dossier du putsch manqué ?
Je constate comme tout citoyen burkinabè que le dossier avance à son rythme. Je remarque aussi que chacun de nous aurait souhaité qu’à l’heure où nous sommes, le dossier eût été jugé. Maintenant, quant à la gestion du dossier, il ne m’appartient pas en tant que Président de l’Assemblée nationale, de juger de la célérité ou de la lenteur des dossiers en justice. La séparation des pouvoirs commande que chaque pouvoir assume avec responsabilité ses fonctions, pour la bonne marche de la démocratie.
L’Assemblée nationale et le gouvernement sont-ils sur la même longueur d’onde à propos de la gestion de ce dossier ?
J’ai déjà répondu à votre question. Il n’appartient pas à l’Assemblée nationale de s’accorder avec le gouvernement pour gérer, comme vous le dites, un dossier qui est en justice. Le dossier du putsch de septembre 2015 est en justice et c’est aux magistrats d’en juger.
Quelle lecture faites-vous de la crise de la CAMEG ?
La Représentation nationale a interrogé le ministre de la Santé sur cette crise pour comprendre ses tenants et aboutissants. A l’étape actuelle, comme le litige est devant les tribunaux, je ne souhaite pas porter un commentaire quelconque sur les différentes parties ou sur les décisions de justice y afférentes. Il faut observer tout simplement que cette crise est assez révélatrice du besoin urgent de réflexion et d’analyse sérieuse sur la gestion des structures sensibles comme la CAMEG et bien d’autres, afin d’éviter, comme ce fut le cas, que quelques individus prennent en otage la santé, voire la survie des citoyens. Il importe de doter les structures de cadres organisés et transparents de gestion et d’avoir à leur tête des hommes et des femmes compétents et intègres.
On vous soupçonne de tirer les ficelles, en avançant même que le ministre de la Santé serait votre protégé. Qu’en dites-vous ?
Ce sont des soupçons infondés. Rassurez-vous, je n’ai pas de protégé. Et, ce n’est pas parce que quelqu’un est né à Ouahigouya qu’il est mon protégé. Le ministre en charge de la Santé appartient à l’Exécutif. Il dépend du Premier ministre et du Président du Faso. Pour la Chambre de commerce, on m’a également accusé d’avoir soutenu Kadhafi. Il est né à Ouahigouya, je connais ses parents mais je ne m’ingère pas dans les dossiers qui ne sont pas les miens. Je n’ai pas demandé à naître à Ouahigouya, ni Kadhafi.
Compte tenu de ses conséquences désastreuses sur la population, que peut faire le Parlement dans la résolution de la crise à la CAMEG ?
En octobre dernier, l’Assemblée nationale a interpellé le gouvernement par des questions orales, sur le dossier de la CAMEG. Le ministre de la Santé a été entendu par les députés lors d’une séance plénière. Ce sont là des signaux que notre auguste Assemblée donne, dans l’exercice d’une de ses missions constitutionnelles, à savoir le contrôle de l’action gouvernementale. Les élus attachent du prix à ce qui se passe à la CAMEG et partout où l’intérêt du citoyen burkinabè est en jeu.
Lors d’une de vos sorties, vous avez invité le Gouvernement à savoir dire non aux institutions de Bretton Woods. Pouvez-vous être plus explicite ?
J’ai demandé plus d’audace au gouvernement, un courage politique et plus d’engagement pour la résolution rapide des préoccupations des populations burkinabè. Les principes et les modèles de développement de certaines institutions de Brettons Wood ne correspondent pas automatiquement ou arithmétiquement aux aspirations de notre peuple. Mon appel vise la recherche de solutions endogènes qui tiennent compte du particularisme des besoins des jeunes et des femmes dans le développement harmonieux du pays.
Cette sortie ne frise-t-elle pas le populisme ? D’aucuns ont même pu dire que c’était du bluff de votre part. Votre réaction !
Ce sont des convictions que j’ai exprimées. Ceux qui me connaissent, savent que j’ai toujours été critique vis-à-vis de certaines pratiques des institutions de Bretton Woods à l’égard des pays en développement. Sans nier le fait que nous avons besoin de leur concours, ce que je récuse, ce sont les diktats sur nos pays et nos économies nationales. C’est pourquoi je pense aujourd’hui qu’il faut du discernement dans l’aide au développement. On ne doit pas tout accepter et à n’importe quelle condition.
« En tant que camarades politiques, nous nous concertons sur les grandes orientations du pays et il reste entendu que le Président du Faso est le capitaine du navire »
Une certaine opinion soutient que certains dossiers judiciaires (Thomas SANKARA, DABO Boukari, Norbert ZONGO) piétinent parce que des bonzes du pouvoir en place seraient plus ou moins impliqués. Qu’en dites-vous ?
Dans une démocratie, l’expression de la justice est de la responsabilité des magistrats. Entre accusations et vérité, c’est aux juges de dire le droit. Tous les citoyens sont justiciables. Et les dossiers judiciaires, comme vous le dites, appartiennent à la Justice qui est chargée de faire la lumière. La séparation des pouvoirs est consacrée et est manifeste dans notre pays.
Comment se porte l’attelage RSS ?
Qu’est-ce que vous appelez « attelage RSS » ? Le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, le ministre d’Etat, Simon Compaoré et moi partageons la même plateforme idéologique et politique. Dans l’univers institutionnel de notre pays, chacun joue sa partition. En tant que camarades politiques, nous nous concertons sur les grandes orientations du pays et il reste entendu que le Président du Faso est le capitaine du navire.
D’aucuns affirment pourtant que ce ne serait plus la parfaite entente vous et le Président du Faso. Votre commentaire.
Ce sont des affabulations dont les maquis de Ouagadougou ont le secret.
Quelle appréciation faites-vous des réponses du gouvernement aux attentes économiques et sociales de la population ?
Les attentes des populations sont légitimes et il faut rappeler que dans notre pays, plus de 46% de Burkinabè vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Il faut changer obligatoirement la donne. Et l’Assemblée nationale veut dynamiser la lutte contre la pauvreté par le vote des lois appropriées. En 2016, l’Assemblée a adopté deux projets de lois de finances rectificatives de la loi de finances pour l’exécution du budget de l’Etat, gestion 2016. Ce qui a permis de prendre en compte les implications financières dues aux travailleurs dans la loi 081 portant statut de la Fonction publique de l’Etat. L’Assemblée nationale vient de voter la loi de finances 2017 qui, en recettes, est estimée à 2 036 301 664 000 de F CFA et en dépenses, évaluée à 2.455 193 114 000 de F CFA. Le déficit budgétaire est de 418 819 450 000 de FCFA. Il importe de souligner que le budget de l’Etat gestion 2017, consacre 52,01% (soit 1 277 016 582 000 de F CFA) aux investissements. Comme tout budget, le budget de l’Etat gestion 2017 est un instrument au service d’une politique. Et cette politique se nomme Plan national de développement économique et social (PNDES) qui est une traduction en plans d’actions, du programme du Président du Faso : « Bâtir avec le peuple, un Burkina Faso de démocratie, de progrès économique et social, de liberté et de justice ». Le budget de l’Etat gestion 2017 participe donc de la dynamique de relance de l’économie et de recul significatif de la pauvreté de masse.
Est-ce que vous êtes confiant quant au PNDES ?
Les priorités du PNDES sont axées sur la réforme des institutions et la modernisation de l’Administration, le développement du capital humain et la dynamisation des secteurs porteurs pour l’économie et l’emploi. Le PNDES traduit, par ailleurs, le souci du gouvernement d’améliorer la mobilisation des ressources internes pour financer les dépenses d’investissements structurants et les secteurs sociaux. Ces investissements serviront à construire des écoles, des hôpitaux, des routes, à assurer l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement, l’électrification de nos villes et compagnes et surtout à créer des emplois pour résorber le chômage endémique des jeunes. Le PNDES donne des gages pour un progrès social et économique partagé et équitable.
En tant que responsable du MPP, comment expliquez-vous les bagarres dans certaines communes ?
Le MPP est un grand parti de masse et les contradictions existent mais nous avons un code de discipline qui est appliqué et qui oriente les uns et les autres dans leur militantisme. L’essentiel, c’est la mise en œuvre du programme du parti.
Comment expliquez-vous les mésententes entre le MPP et les partis alliés dans certaines communes ?
Non, il n’y a pas eu de mésententes entre le MPP et ses alliés. La preuve est que les alliances tiennent toujours. Il y a eu de part et d’autre des individus qui n’ont pas voulu voir s’appliquer les consignes des partis et formations politiques alliés. Cela crée un désordre qui a besoin d’être corrigé.
A quand le prochain congrès du MPP ?
Je l’espère pour bientôt. Mais, il revient aux instances et aux organes supérieurs du parti d’en décider.
Le CDP estime que ses militants font l’objet d’acharnement de la part du pouvoir. Qu’en dites-vous ?
C’est complètement inexact. Si les militants du CDP ont maille à partir avec la loi, ce n’est pas de notre fait. Pour un parti qui a perdu le pouvoir de cette façon, je trouve qu’ils sont trop à l’aise. Sous d’autres cieux, ç’aurait été autrement.
L’ancien Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, est toujours à l’extérieur malgré l’appel à lui lancé par le Président. Votre commentaire.
Je ne maîtrise pas cette question liée au Général Yacouba Isaac Zida qui est en rupture de ban avec l’institution militaire.
Certains activistes de la société civile comme Safiatou Lopez ou Hervé Ouattara, ont une dent dure contre vous. Que répondez-vous à leurs critiques ?
Je refuse de descendre dans des débats de caniveaux du mensonge et de la diffamation. Notre peuple n’est pas dupe et sait distinguer l’ivraie du bon grain.
Après l’attaque terroriste de Nassoumbou, d’aucuns ont estimé qu’il était temps de toiletter notre système sécuritaire. Récemment, l’État-major des Armées vient de connaître un changement à sa tête. Quel commentaire faites-vous par rapport à ce changement ?
Au nom de la Représentation nationale, j’ai présenté, à la clôture de la deuxième session ordinaire parlementaire, nos condoléances les plus émues aux familles éplorées et aux Forces armées nationales. Cela dit, je suis de ceux qui pensent qu’il faut continuer à renforcer notre système sécuritaire en ressources humaines et matérielles. Il faut également améliorer les conditions de travail des forces de sécurité et de défense afin de leur permettre de faire face aux défis sécuritaires. Le 22 décembre dernier à l’hémicycle, j’ai réitéré mon invitation au gouvernement à mettre en place des juridictions spécialisées antiterroristes et des procédures efficaces y afférentes d’une part et d’autre part, à intensifier la coopération sous-régionale ; notamment dans le cadre du G5 Sahel et de la coopération internationale afin que les différents pays puissent favoriser les échanges de renseignements et surtout mutualiser leurs moyens pour une lutte implacable contre le terrorisme. En tout état de cause, il appartient au Président du Faso et au gouvernement, d’apprécier la situation et de prendre les décisions qui s’imposent. Le Président du Faso est en même temps le chef suprême des Armées. Il est également le ministre de la Défense. Donc, c’est normal qu’il puisse procéder à des changements à la tête de l’armée. Je pense que le contexte actuel recommande aussi que nous ayons d’autres hommes pour davantage sécuriser notre pays. Je ne sais pas de quoi ce changement procède mais je trouve que c’est tout à fait dans les prérogatives du Chef de l’État.
« Je dis et je le répète que les manœuvres de déstabilisation viennent en partie de Blaise Compaoré et de son clan »
Pensez-vous que cela soit une sanction ?
Je ne connais pas les motivations du chef de l’État. Je trouve seulement qu’il est de son devoir de veiller à la bonne tenue de l’Armée.
A chaque fois que le Burkina Faso subit une attaque terroriste ou autre, vous semblez accuser les anciens dignitaires du régime Compaoré. Si vous confirmez, avez-vous les preuves de leur implication ?
Je dis et je le répète que les manœuvres de déstabilisation viennent en partie de Blaise Compaoré et de son clan. Les anciennes connexions entre Blaise Compaoré et les milieux terroristes existent toujours. Ne soyons pas dupes !
D’aucuns disent que vous vous employez pour l’instauration d’un régime parlementaire dans les sillons de l’élaboration de la nouvelle Constitution. Est-ce le cas ?
Non. Si vous suivez l’histoire récente de notre pays, en son temps et vu la crise qui pointait à l’horizon, j’avais suggéré au président Blaise Compaoré de passer à un régime parlementaire après avoir consulté, dans le cadre d’un forum national, les forces vives du pays. Cela, pour qu’il y ait des réformes institutionnelles pour nous éviter une crise. Malheureusement, je n’ai pas été écouté. Mieux, j’ai été combattu et malheureusement la crise est arrivée. Il y a eu une insurrection et il y a eu des morts. Ce qu’on aurait d’ailleurs pu éviter, si le président Blaise Compaoré avait accepté une sortie honorable. En fait, au regard même de la Constitution actuelle, nous sommes dans un type de régime parlementaire. Il y a au moins cent variétés de régime parlementaire. Le régime parlementaire est à différencier du régime d’assemblée. J’ai vu, dans la presse, des gens dire que dans le régime parlementaire, on dépouille le Chef de l’Etat de ses prérogatives. Ce n’est pas cela un régime parlementaire. Dans le régime parlementaire, c’est l’équilibre des pouvoirs qui est l’essentiel à rechercher. Dans la nouvelle Constitution qui est en discussion, c’est l’équilibre des pouvoirs qu’il faut rechercher entre l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire. Il faut éviter seulement qu’il y ait un accaparement de tous les pouvoirs par un seul de ces organes. Les notions juridiques sont souvent mal comprises. Sinon, lorsqu’on lit l’actuelle Constitution, nous sommes bel et bien dans un régime parlementaire puisque le Premier ministre est responsable devant le Parlement qui peut voter une motion de censure contre le gouvernement. Il y a effectivement une séparation des pouvoirs et le Chef de l’État n’est pas celui qui peut ordonner les lois. Il y a un équilibre qui s’est établi. Nous avons des régimes parlementaires dans beaucoup de pays. Ce que nous récusons, ce sont les régimes présidentialistes de type africain, où le chef de l’État est le seul à décider de tout. Nous récusons cette façon de voir les choses. Pour nous, la démocratie doit être participative et les différents pouvoirs doivent s’équilibrer pour la bonne marche de la démocratie.
Concernant le budget de l’ASCE/LC, vous avez semblé récuser le principe de l’indexation du budget de cette structure sur le budget national. Pourquoi ?
Aucune institution ne peut, a priori, indexer son budget sur le budget national. Chaque institution conçoit son budget par rapport à son programme de travail. Ce sont ces actions qui sont financées. On ne peut pas, a priori, dire que le budget de telle ou telle institution doit représenter un tel pourcentage par rapport au budget national. Le budget est élaboré en fonction du programme de travail et des plans d’action de chaque institution.
Concernant l’affaire des tablettes, qu’insinuiez-vous lorsque vous répondiez : « On s’en fout », suite à la question posée par un confrère lors d’une conférence de presse ?
Les députés ont beaucoup de respect pour le peuple. L’Assemblée a reçu du gouvernement, des tablettes avec esprit de suite et de responsabilité mais l’incompréhension a été telle que les députés ont accepté que ces outils de travail soient remis. Pour ce qui est de ma réponse lors de la conférence de presse, il faut dire que c’est sur un ton de plaisanterie que j’ai répondu, surtout que le journaliste, par sa question, m’a taquiné. Si ma réponse n’a pas été perçue comme telle, je présente mes excuses à tous ceux qui ont été choqués par ma réponse.
Votre hémicycle ressemble à un amphithéâtre ; est-ce que ce cadre permet aux députés de travailler comme il se doit ?
Nous envisageons, avec l’assistance du gouvernement, de construire une nouvelle Assemblée nationale. Le dossier est au niveau du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat.
Le projet de musée sur le site de l’ancienne Assemblée nationale est-il toujours à l’ordre du jour ?
Ce projet nous tient à cœur et, en relation avec la société civile, notamment l’association « mémoire et conscience », nous œuvrons pour son aboutissement.
Propos recueillis par Adama SIGUE
Le Pays