Les 6 – 7 octobre 2016, se sont tenus à Ouagadougou les 2èmes journées parlementaires du groupe parlementaire de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), dont le président est Zéphirin Diabré. Nous vous publions l’intégralité du rapport final des travaux.
Le jeudi 06 Octobre deux mille seize, à l’Hôtel Palm Beach de Ouagadougou, se sont ouvertes à 09h, les deuxièmes journées parlementaires du Groupe UPC sous le thème : « Quelles perspectives de relance économique dans un contexte post-insurrectionnel au Burkina Faso ? ». C’est dans une salle de conférence pleine de monde que la cérémonie d’ouverture a eu lieu. Cette cérémonie a connu la participation du Président de l’UPC, de la 5ème vice-présidente de l’Assemblée nationale représentant son Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée, des représentants des autres Groupes parlementaires et de nombreux autres invités. Différentes interventions ont marqué la cérémonie d’ouverture de ces 2èmes journées : D’abord, le mot d’accueil des participants par le maitre de cérémonie, suivi de l’exécution de l’hymne du parti. Après cela, le maitre de cérémonie a présenté le programme des deux journées en nous faisant remarquer à l’occasion que : « Le Parlement est le destin de la démocratie ».
De 09h 10 à 10h 10 mn, les participants ont eu droit à différentes allocutions prononcées par le Correspondant UPC du Kadiogo, les représentants des autres Groupes parlementaires et enfin par le Président du Groupe parlementaire UPC.
Tous les intervenants reconnaissent la pertinence du thème choisi et souhaitent que ces deux journées de réflexion et de partage nous permettent de trouver des propositions à même de sortir le pays de cette situation difficile au grand bonheur de nos populations.
S’agissant de l’intervention du Président du Groupe parlementaire UPC, nous pourrons retenir ceci :
– Qu’est ce qui arrive à notre cher pays le Burkina avec toutes ces grèves, sit-in, déclarations d’organisations de la société civile, protestations multiples et multiformes ?
– Les électeurs burkinabè n’ont pas voulu le changement passant par la rupture mais plutôt un changement dans la continuité sans Blaise COMPAORE…
– Notre pays est devenu un pays de mensonge, de gain facile, de la paresse…
– Les Pères fondateurs de la mauvaise gouvernance sous l’ère COMPAORE sont ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui…Malgré la création de nouvelles taxes et l’adoption d’un référentiel de développement, les nouvelles autorités peinent à sortir le pays du marasme dans lequel il se trouve : l’économie tourne au ralenti, les écarts sociaux se creusent davantage et le doute s’installe dans l’esprit du commun des Burkinabè.
Le Président poursuit en disant que l’opposition pour sa part continuera de critiquer pour un meilleur devenir du Burkina Faso.
A la fin de son allocution, le Président Alitou IDO a été longuement applaudi dans la salle. Et ce fût l’heure de la pause-café.
A la reprise des travaux à 10h45, les invités se sont retirés et laissant ainsi les députés membres du Groupe parlementaire, quelques personnes ressources et quelques leaders du parti.
Le thème abordé pour cette 2ème partie est le Budget-programme. Ce thème a eu pour communicateur Mr Alli GANAME et pour modérateur Mr Marcelin OUEDRAOGO.
Ce que nous pouvons retenir de cette belle communication :
– Le Budget-programme vise à améliorer la dépense publique. C’est aussi une nouvelle politique de la culture de la performance.
– Plusieurs innovations sont faites : une nouvelle nomenclature du budget avec des crédits ordinaires et des investissements…
– Le rôle traditionnel du ministère de l’économie et des finances a été revu. Les autres ministères sont aussi désormais ordonnateurs de leurs budgets mais la partie des recettes reste contrôlée par le ministère de l’économie et des finances.
– Renforcement du rôle de la Cour des comptes
– Renforcement du rôle joué par le Parlement.
L’ouverture d’un temps de questions-réponses a permis au conférencier de développer davantage les concepts du Budget-programme.
C’est sur cette note de satisfaction que les responsables de l’organisation ont mis fin les travaux de cette 1ère journée de réflexion à 13h36.
Deuxième journée :
Première partie : analyse des politiques économiques du Burkina Faso depuis les indépendances (Prof. Idrissa OUEDRAOGO, économiste).
Plus de 55 ans après son indépendance, le Burkina Faso a expérimenté différentes stratégies de développement qui n’ont pas encore produit la prospérité économique et sociale escomptée.
La période 1960 1990 : le Burkina Faso dispose encore une structure centrale de planification et d’un plan à moyen terme. Au cours de cette période, les politiques d’industrialisation du pays étaient fondées sur la stratégie de substitution aux importations.
Mais cette stratégie a cependant présenté des résultats peu satisfaisants, eu égard aux nombreux blocages.
A contrario, cette stratégie a connu un succès relatif en matière d’importations de produits manufacturés, même si elle a conduit à un endettement extérieur important dû aux importations de biens d’équipement et de technologies.
Au Burkina Faso, la décennie 1980 a été marquée par le renforcement du rôle de l’État dans la sphère de production. Cette stratégie a été déroulée à travers le Programme Populaire du Développement (PPD) et par la suite, le Plan Quinquennal de Développement Populaire (PQDP), (1986 1990).
Ces programmes poursuivis par le Front populaire ont produit des résultats relativement encourageants.
Mais face, entre autres au déficit du secteur public et à l’immensité de la dette intérieure, en 1991, le gouvernement burkinabè a lancé le PAS avec le soutien de la Banque Mondiale et du FMI.
-La période de 1991 à 2000 (les PAS): En entrant dans le PAS, le Burkina Faso poursuivait un double objectif :
Ø la restauration de l’équilibre budgétaire préalable à l’aménagement de la dette ;
Ø le retour à la viabilité économique du pays.
Dans l’ensemble, les reformes entreprises dans le cadre des PAS, même si elles ont permis de rétablir une certaine stabilité macroéconomique, ont généré des résultats peu satisfaisants.
-La période de 2000 à nos jours: A la fin des années 90, le Burkina Faso a élaboré un référentiel de développement, le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP).
La mise en œuvre du CSLP a permis d’enregistrer des performances économiques mitigées alternant des années de forte croissance et des années de croissance modérée. C’est dans le but de corriger les insuffisances du CSLP que le gouvernement a entrepris en mai 2009 une révision profonde de cette stratégie. Ce qui a donné un nouveau référentiel, la Stratégie de Croissance Accélérée et de Développement Durable (SCADD) de 2011 à 2015.
Le dernier rapport de performance de la SCADD relatif au bilan de mise en œuvre sur la période d’exécution prévue qui a été examiné le 10 mai 2016 laisse entrevoir que la SCADD a engendré des résultats très peu concluants. Aucun des quatre axes n’a connu de résultats satisfaisants.
- Le PNDES
Le PNDES a pour fondement les trois axes stratégiques qui sont :
Ø Reformer les institutions et moderniser l’administration ;
Ø Développer le capital humain ;
Ø Dynamiser les secteurs porteurs pour l’économie et les emplois.
Le coût total induit pour sa mise en œuvre est estimé à 15395,4 Milliards de F CFA soit :
Ø 9825,2 Milliards de ressources propres soit 63,8% du financement total.
Ø 5570,2 Milliards de besoin en financement, soit 36,2%
Deuxième partie : Faiblesses du PNDES
Beaucoup d’efforts ont été déployés pour l’élaboration du PNDES. De nombreux techniciens du pays ont pris part au processus et parmi eux on compte des gens très qualifiés. Mais malheureusement, l’agenda politique a pris le pas sur l’efficacité technique et le document final est très en deçà des attentes. Manifestement, les rédacteurs n’ont pas eu suffisamment de temps pour travailler sur ce document qui pourtant est censé être le référentiel des politiques publiques au Burkina Faso sur l’horizon 2016-2020. On sent la précipitation à travers les incohérences dont recèle le document. En réalité, le programme tel que proposé aura des difficultés à réaliser ses ambitions initiales, c’est-à-dire la réduction de la pauvreté et des inégalités.
Le problème de base du PNDES est que c’est un programme hybride résultant d’un mélange du deuxième cycle la SCADD (qui était encore en gestation lors de l’insurrection), de la Politique nationale de développement durable (PNDD) (élaborée en 2013) et le programme proposé par le candidat Roch Kaboré lors des élections présidentielles. Dans un tel contexte, on est en droit de s’interroger sur la vision qui a sous-tendu l’élaboration de ce document. Est-ce celle de la deuxième phase de la SCADD ou celle du candidat ? Ou alors les deux ? En tout état de cause, le PNDES tel que proposé manque de cohérence interne. Il a des faiblesses qui pourraient mettre en péril sa réussite.
L’analyse diagnostique du PNDES est incomplète et légère du fait que les données sur lesquelles le diagnostic est fondé, ne reflètent pas la réalité des faits. En guise d’exemples on notera notamment les cas des secteurs de la santé, de l’éducation et de l’énergie. Les disparités régionales dans le secteur de la santé et celui de l’éducation ne sont pas développées dans le plan. Le problème des effectifs dans le secondaire et le primaire est très peu évoqué. Dans le domaine de l’énergie, la méconnaissance du secteur fait que la cible d’augmentation de l’offre d’électricité de 20% d’ici 2020 est très en deçà des besoins réels du pays pour contrer les délestages.
Le PNDES continue d’appliquer les politiques sectorielles de la SCADD. Tel que structuré, le PNDES donne l’impression d’un changement de coquille sans modification profonde des éléments fondamentaux. On note en effet, qu’avec le PNDES tout comme sous la SCADD, la mise en œuvre opérationnelle du plan est assurée à travers les politiques sectorielles or, ces politiques sectorielles sont toujours celles qui ont été élaborées dans le cadre de la SCADD sous l’ancien régime. Tout laisse à penser que c’est le référentiel qui explique les échecs de la SCADD et non les outils de mise en œuvre.
On note par exemple, au plan institutionnel que sous le PNDES, le Ministère de l’Économie et des Finances (MEF) devient le Ministère de l’Économie, des Finances et du Développement (MINEFID). Le MINEFID remplace le MEF au niveau du chef de file de la Politique Sectorielle de l’Économie et des Finances (POSEF). Malgré le passage de MEF au MINEFID et la création d’un Secrétariat d’État auprès du Ministère de l’Économie, des Finances et du Développement, chargé de l’Aménagement du Territoire, les sept programmes sous la SCADD restent valables pour le PNDES. Il en est de même pour les autres départements ministériels.
Rien n’est prévu dans le PNDES pour réduire le ratio masse salariale sur les recettes fiscales. Conséquence: le Gouvernement n’aura pas trop de marge de manœuvre pour réaliser des investissements structurants.
Le ratio masse salariale sur recettes fiscales qui situe à 50% est supérieur à la norme communautaire qui est de 35%. Si on ajoute les dépenses de fonctionnement, l’État n’a plus de ressources pour faire face aux investissements.
Dans la meilleure des hypothèses, ce ratio va s’aggraver au regard des mouvements sociaux qu’on observe actuellement.
Ce qui revient à dire que nous devons compter sur les partenaires techniques et financiers pour réaliser les investissements. Les recettes propres étant destinées au paiement des salaires des fonctionnaires.
Dans la meilleure des hypothèses, l’augmentation des salaires des travailleurs va contribuer à aggraver le déficit de la balance commerciale du fait que nous n’avons pas une offre suffisante pour répondre à la demande. De ce fait, les importations de produits de consommation vont augmenter.
La question de la politique commerciale et de la protection de certains secteurs n’a aucune place dans le PNDES. Pourtant, on reconnait que le projet de Bagrépôle ne peut pas se passer de l’analyse de la stratégie pour rattraper les écarts de compétitivité entre le riz local et le riz importé.
Le PNDES ne décrit pas explicitement le rôle de l’État. Du coup on retrouve l’adoption d’une formule toute faite comme les Partenariats Publics Privés sans appropriation de leur sens pour notre économie. le PNDES reste en réalité un plan gouvernemental plutôt qu’une stratégie nationale car c’est le budget de l’Etat, avec ses appoints de ressources extérieures, qui en est le bras financier. La place faite au secteur privé reste dans des évocations sans ancrage réel à l’ensemble du plan de dépenses et de financement.
Le PNDES a considéré toutes les préoccupations de l’époque comme étant des urgences auxquelles il faut répondre immédiatement faisant fi des contraintes financières. L’impact sera plus important si le PNDES avait hiérarchisé les priorités et les actions à mener.
S’agissant du financement du plan, il y a lieu de s’interroger non seulement sur les capacités de mobilisation des ressources prévues dans le plan mais aussi sur les capacités de l’économie à absorber ces fonds s’ils étaient mobilisés.
Le problème de notre pays c’est moins le financement que les conditions préalables à l’attractivité de notre pays et surtout, les conditions d’utilisation de ces financements. La mobilisation de ressource pose de fait, le problème de la crédibilité du pays ; le problème de la gouvernance dans notre pays notamment, dans sa dimension économique. Mobiliser des ressources massives requiert un panorama économique favorable et attrayant ; en un mot, un climat des affaires attractif. Cela veut dire, qu’il faut donner toutes les assurances nécessaires aux potentiels investisseurs afin qu’ils acceptent bien financer votre économie. Autrement dit, il faut des actions fermes de lutte contre la corruption, une justice impartiale et forte, une situation sécuritaire rassurante et une saine gestion des finances publiques.
Le taux d’intérêt (le prix du crédit) auquel les prêts vous seront octroyés dépend fortement de cette situation. Si elle est mauvaise, le crédit sera très coûteux et si elle est bonne, le prix du crédit sera relativement bas. Je vous laisse juger vous-même de la situation actuelle du pays et de sa capacité à mobiliser des financements bon marché.
De plus, mobiliser des financements massifs sans au préalable préparé votre pays à absorber ces financements, sera vain et contreproductif. On a pu observer pour l’année 2016, le Burkina Faso a été contraint d’annuler 49 milliards de FCFA sur les financements extérieurs du pays du fait de son incapacité à absorber ces financements. Le taux d’absorption des montants alloués est très faible et est autour de 26% chaque année. En d’autres termes, quand les bailleurs de fonds nous donnent 100F, nous n’arrivons à dépenser que 26F.
A ces faiblesses, il faut ajouter la faible mobilisation des ressources internes liée à l’évasion fiscale (le taux de pression fiscal était de 14,5% en 2011, 15,8% en 2012, 17,3% en 2013 pour une norme UEMOA ≥ 20%).
Rien de concret n’est prévu pour lutter contre la corruption, le détournement des deniers publics et l’évasion fiscale.
Il convient aussi de discuter de la durée du PNDES Il est dit que le PNDES court de 2016 à 2020. Nous avons déjà « perdu » un an. Il faut donc redimensionner les chiffres et notamment les couts du programme, voire même réviser les ambitions du programme.
Par exemple, le PNDES prévoie une mobilisation des ressources financières en moyenne de 3000 milliards par an. Pourtant, la loi de finances de 2017 prévoie des recettes budgétaires totales estimées à 2.004 milliards de FCFA, soit une hausse de 27,42% par rapport aux prévisions rectifiées de 2016 (1454,50 milliards FCFA): annonce du gouvernement burkinabè, le mercredi 21 septembre 2016.
Troisième partie : De la nécessité de mettre en œuvre un plan d’urgence de relance de l’économie.
A l’issue de l’insurrection et de la transition le Burkina Faso a été fortement éprouvé. Le retour à une vie constitutionnelle marquée par les élections de novembre 2015 devait être conséquemment suivi de la mise en œuvre d’un plan d’urgence de relance de l’économie dès les jours de l’année 2016.
Le PNDES dont nous avons relevé les insuffisances n’offre pas cette possibilité. En effet, le PNDES tel que élaboré et présenté, n’est pas un instrument de relance économique mais plutôt une ébauche de stratégie de développement à long terme.
Dans sa démarche, le Gouvernement a confondu « relance économique » et « stratégie de développement».
Au regard de la morosité de l’économie constatée par l’ensemble des acteurs, il aurait fallu sans délai s’attaquer aux préoccupations légitimes des Burkinabè à travers entre autres les mesures ci-après :
Au plan social et sécuritaire :
- Désamorcer la fronde sociale à travers un dialogue sincère avec les partenaires sociaux ;
§ Restaurer sans délai l’autorité de l’Etat ;
§ Rassurer les Burkinabè sur le climat sécuritaire dans le pays en faisant déjà le point sur les enquêtes en cours;
§ Sécuriser les investissements contre les actes de vandalisme ;
§ Etablir une clarté pour les actes de crimes économiques et de sang pendants en justice ;
§ Donner des signaux forts que la réconciliation nationale est possible dans la vérité et la justice ;
§ Prendre des mesures nécessaires pour remettre en activité les entreprises qui ont subi des dommages lors des évènements d’octobre 2014 et de septembre 2015 ;
§ Réaffirmer l’engagement de l’État à maintenir un cadre macroéconomique sain et stable ;
§ Réaffirmer l’unicité de la vision économique au sommet de l’État ;
§ Réaffirmer l’option pour une économie du marché et le rôle moteur du secteur privé dans la croissance économique.
Sur le plan économique:
§ Assurer le paiement de la dette intérieure afin de permettre aux entreprises de résoudre leur difficulté financière et honorer leur engagement vis-à-vis de l’Etat ;
§ Organiser une conférence économique d’urgence avec l’ensemble des investisseurs nationaux et étrangers ;
§ Lancer un portefeuille d’urgence de la commande publique ;
§ Améliorer le climat des affaires afin d’attirer des investisseurs étrangers ;
§ Rendre plus opérationnel le fonds de soutien aux entreprises en difficulté.
Sur le plan du financement du Plan d’urgence:
§ Lancer immédiatement des euros bonds concomitamment avec des emprunts obligataires sous régionaux ;
§ Créer un fonds national d’investissement de la diaspora ;
§ Procéder sans délai au recouvrement des arriérés des recettes fiscales et des chèques de trésor impayés ;
§S’assurer du paiement des prêts avalisés et rétrocédés aux sociétés d’État.
Source : Doc. UPC