La défense de Djibrill Bassolé a déposé plainte hier jeudi 15 septembre 2016, devant le groupe de travail de l’ONU sur les détentions arbitraires. Accusé d’avoir soutenu la tentative de coup d’État au Burkina, l’ancien ministre des Affaires étrangères attend depuis un an son procès à la Maison d’arrêt et de correction des armées de Ouagadougou.
Djibrill Bassolé n’a pas dit adieu à ses espoirs de liberté. Poursuivi par la justice burkinabé pour, entre autres, « attentat contre la sûreté de l’État » et soupçonné d’avoir soutenu le coup d’État manqué du 17 septembre 2015 mené par le général Gilbert Diendéré, l’ancien chef de la diplomatie de Blaise Compaoré a déposé plainte jeudi 15 septembre devant le groupe de travail de l’ONU sur les détentions arbitraires, a-t-on appris auprès de son avocat français, Me Varaut, qui est chargé du dossier avec sa confrère burkinabè Antoinette Ouédraogo.
« Nous considérons que c’est nécessaire car la justice burkinabè ne fonctionne pas normalement », explique Me Varaud. « Pour qu’il ne se présente pas à l’élection présidentielle, on a cherché des preuves d’une infraction pour le mettre en détention. La justice fait les choses à l’envers. C’est un prisonnier politique qui est là pour faire un exemple et pour solidifier un pouvoir politique naissant », ajoute encore l’avocat. Le groupe de travail de l’ONU sur les détentions arbitraires a notamment déjà rendu des avis dans l’affaire de Karim Wade, au Sénégal, ou dans celle de Lydienne Yen Eyoum, au Cameroun.
C’est un prisonnier politique qui est là pour faire un exemple, dit sa défense
Détenu depuis le 6 octobre 2015 à la Maison d’arrêt et de correction des armées de Ouagadougou, Djibrill Bassolé attend actuellement son procès, qui pourrait se tenir avant la fin de l’année, selon le vœu émis par le président Roch Marc Christian Kaboré. Le 12 août 2016, la Cour de cassation avait rejeté la requête de mise en liberté provisoire de l’ancien ministre.
« Impatient » de s’expliquer
Djibrill Bassolé se dit « impatient » de pouvoir s’expliquer lors d’un procès. Il nie toujours avoir pris part à la supposée conversation téléphonique avec le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, qui a été l’élément déclencheur de son arrestation. La défense se bat d’ailleurs toujours pour obtenir l’expertise de ces écoutes par la justice burkinabè.
« Il est impensable qu’on ne vérifie pas leur authenticité », explique Me Varaut. Djibrill Bassolé dénonce de son côté une « manipulation », un « trucage », et s’appuie sur une expertise privée, menée au début de l’année 2016, indiquant que l’enregistrement n’était « pas authentique au sens technique et acoustique du terme », car comportant une quarantaine de ruptures ou d’altérations sonores artificielles.
Il est impensable qu’on ne vérifie pas l’authenticité de ces écoutes
La défense de Djibrill Bassolé a également saisi la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), à Abuja, pour contester la validité juridique des écoutes téléphoniques versées au dossier. Devant cette même instance, elle a remporté une première victoire le 1er juillet 2016, lorsque la Cour a estimé que la justice militaire burkinabè avait violé les droits du prévenu en lui interdisant de choisir des avocats étrangers.
Entendu dans une autre affaire ?
Djibrill Bassolé pourrait également être entendu dans une autre affaire. L’ancien premier ministre Luc Adolphe Tiao,visé par une commission rogatoire de la Haute cour de justice pour son rôle dans l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, a en effet été auditionné le 13 septembre, comme de nombreux autres ministres du dernier gouvernement de Blaise Compaoré, dont Bassolé faisait partie.
Ce dernier, qui n’a pour le moment pas été entendu, pourrait ainsi être appelé à donner sa version des faits des derniers moments de l’ère Compaoré, notamment du dernier Conseil des ministres qui avait entériné le projet de modification de l’article 37 de la Constitution (lequel était censé permettre à l’ancien chef de l’État de se représenter à l’élection présidentielle).
Source : Jeune Afrique