Le Caucus africain, qui a mobilisé à Cotonou les ministres africains des finances et de l’économie (gouverneurs respectifs de leurs pays pour la Banque mondiale et le Fonds monétaire international), s’est achevé vendredi 5 août sur une déclaration recommandant un changement dans les relations entre ces deux institutions multilatérales de financement et ses pays membres de l’Afrique.
«Les Gouverneurs lancent un appel aux institutions de Bretton Woods pour accompagner la transformation structurelle des économies des pays africains, notamment par le financement et la facilitation d’investissements massifs à taux concessionnel dans les secteurs clés. A cet effet, ils recommandent une nouvelle approche, de nouveaux instruments adaptés aux besoins réels du contient et un cadre de gestion de la dette plus souple », peut-on lire dans la déclaration
Le Benin, qui assure la présidence actuelle du Caucus, a particulièrement insisté sur ce point. « Il est clair que nous connaissons des défis de gouvernance dans certains de nos pays, mais comme on a pu le noter dans certaines contributions de délégations présentes ici, les choses s’améliorent. Nous nous engageons à aller plus loin dans cette amélioration mais, en contrepartie, il faudrait que le FMI et la Banque mondiale nous appuie fortement et surtout qu’ils fassent confiance à notre capacité à obtenir des résultats positifs sur le long terme », a confié à l’agence Ecofin, Romuald Wadagni, le ministre béninois de l’économie et des finances.
Dans les détails, les propositions sont encore plus pointues. Il est, par exemple, évoqué la nécessite de permettre aux pays à faibles revenus d’accéder davantage au compte des ressources générales du FMI afin de les aider à faire face aux chocs et à renforcer leur résilience. « Ils offrent une capacité de financement plus grande que l’actuel fonds pour la réduction de la pauvreté et la croissance, et des conditions plus souples que le marché international des capitaux, sur lesquels les pays africains ont sollicité des fonds ces dernières années », a expliqué un des experts du Botswana.
Dans le cadre de la mobilisation en cours de nouvelles ressources destinées au fonds IDA (IDA 18) qui sera bouclé à la fin de cette année, le groupe africain exprime sa satisfaction sur la création d’un guichet IDA destiné aux financements du secteur privé dans les pays en développement à travers la Société Financière Internationale. Mais il souhaite que la part de l’Afrique soit considérablement augmentée, afin de lui permettre de combler le déficit d’infrastructures, et il encourage la SFI a accroître son appui aux projets créateurs d’emplois.
Le FMI n’a pas directement commenté ces sollicitations, mais a fait passer son message dans le cadre des différentes interventions de ses experts. Une adaptation des méthodes d’évaluation est en cours dans le nouveau cadre de viabilité de la dette. Mais il risque d’être difficile, pour lui, de déroger à sa mission de protéger les pourvoyeurs de ses fonds. La Banque mondiale, elle, se montre ouverte à examiner toute les possibilités visant l’atteinte de l’objectif d’éradiquer la pauvreté, mais sans chiffrer l’horizon et la portée de ses engagements
Aussi, la démarche du groupe africain ne manquera pas de rencontrer des obstacles. Il faudra déjà convaincre le conseil d’administration du FMI, dans lequel la représentation de l’Afrique est faible et disparate. Il y a un représentant pour l’ensemble des pays francophones subsahariens et un autre pour les grandes économies d’Afrique anglophone (Nigéria, Afrique du sud, Angola, Ethiopie, Kenya…). Le Maghreb est rataché à une autre groupe, l’Egypte à un autre encore. Cela fait un total de seulement 4 représentants sur les 24 que compte le Conseil d’administration du FMI. De plus, dans le groupe africain, on a cru percevoir de légères divergences de positionnement entre le groupe anglophone et le groupe francophone. Et même au sein du groupe francophone, on ne semble pas toujours être sur la même longueur d’onde.
Les discussions sur ces différentes questions devraient se poursuivre au-delà du Caucus de Cotonou, lors des prochaines rencontres annuelles de la Banque Mondiale et du FMI qui se dérouleront en octobre à Washington DC. Mais l’agenda pourrait être perturbé par les tractations autour de la désignation d’un nouveau Directeur du département Afrique au sein du FMI.
La libérienne Antoinette Monsio Sayeh, qui occupe actuellement le poste, a annoncé en juin 2016 son intention de prendre sa retraite, laissant un poste ouvert. Trois pays, notamment le Tchad, l’Ethiopie et la Namibie, sont cités dans les discussions qui ont alimenté les coulisses du Caucus. D’ici que les positions se confirment, selon des experts proches du groupe africain, la compétition ne manquera pas de peser sur la volonté du Benin d’être « le point de départ d’une nouvelle collaboration entre l’Afrique et les institutions de Bretton Woods. »
Source : Agenceecofin